samedi 6 janvier 2018

Présidents au présidial de Poitiers

Charles Babinet, président de chambre honoraire à la cour de Cassation et membre de la SAO, dans son mémoire édité dans les Bulletins et Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, tome XXV, paru en 1901, nous entraîne dans les arcanes du présidial de Poitiers et des membres qui occupèrent les nombreuses charges propres à la judicature de la ville, créées en 1551.

1. — 1557. François AUBERTseigneur d'Avanton (dont il rend aveu le 15 avril 1541), est alors lieutenant général et président et réunit les deux charges à la création de cette charge par l'édit de Compiègne de juin 1557.
Conseiller à la sénéchaussée de Poitiers en 1540, il passe en 1544 à la grand'chambre du Parlement. Après avoir prêté serment au Roi, il est nommé, quoique marié, à une charge de conseiller-clerc le 5 décembre 1544. Le Parlement lui fait des remontrances et obtient, 2 ans après, le 11 mai 1546, une promesse du roi que désormais il ne donnera des offices de conseiller-clerc qu'à ceux qui seront engagés in sacris. Lorsque la coutume du Poitou est réformée, en 1559, Aubert est chargé de la rédaction des articles que l'on croit devoir corriger.
En 1560, il résigna son office de lieutenant général au profit de De la Haye. Maire en 1564, continué en 1565, il fait couper, durant son premier mandat, le roc qui va de la porte Saint-Césare à la Cueille pour y faire le chemin qui y est à présent. Il est dit qu'il "estoit bon aumosnier et aimoit le public". Il est nommé échevin dès le 1er juillet 1558, en remplacement de Jean Pelisson. Il eut de Marie Leclerc trois filles qui vendirent Avanton. Ledain place sa mort le 24 octobre 1568.
Il portait : "de gueules au haubert ou cotte de maille d'or".

Querelles entre Pierre Rat et De la Haye pour la nomination à ce poste de 1570 à 1577.

2. — 1577. Pierre RAT, seigneur de Salvert, né en 1539, est le fils du conseiller Jean Rat. Il a des difficultés à prendre la charge de président, alors que le Roi l'a plusieurs fois nommé avant le 15 septembre 1570, puis le 18 juin 1571. Il est échevin le 25 avril 1577 au lieu de François Pastoureau, et est élu maire la même année, sa devise étant :"Post tenebras spero lucem". Le Roi, étant venu séjourner plus de trois mois à Poitiers, reçoit lui-même le serment annuel du maire et des échevins, et Rat lui fait une harangue avec tant d'éloquence, le genouil en terre [sic] qu'il est jugé digne des plus grandes charges.
Rat avait épousé, en 1564, Catherine Escot, et Thibaudeau donne, d'après un manuscrit perdu de De Razes, la liste de ses onze enfants.
La suppression de l'office de président, décidée en accord avec lui et la compagnie, est prononcée en juillet 1586 et il échange son poste contre celui de lieutenant général. Mais avant de recevoir Rat, le parlement ordonne une nouvelle information à Poitiers sur sa vie et ses mœurs, par arrêt du 31 août 1586, lui qui est en butte avec les ligueurs. L'édit de suppression n'est registrée que le 28 novembre, alors que Rat a été reçu à la charge de lieutenant général le 6 précédent. Le triomphe de la Ligue l'oblige à quitter Poitiers en mai 1589 et ses propriétés près de Fontenay ne sont pas ménagées par les troupes du roi. Le parlement, siégeant alors à Tours pour le roi, lui demande de rendre la justice à Niort, en 1589 et en 1590, où il meurt le 28 février 1593.
Il portait : "d'argent à une licorne d'or, à repos sur une terrasse de sinople plantée de palmiers de même, au chef de gueules".

Suppression et vacance de la charge de novembre 1586 à juillet 1591.

3. — 1594. Emery REGNAULT, seigneur de Traversay, d'abord avocat du Roi, a aussi quitté Poitiers. Il est nommé lieutenant général par Henri IV en remplacement de Pierre Rat, le 12 et 19 juin 1593, et un arrêt du 4 octobre 1593 l'investit des fonctions de lieutenant criminel au lieu du titulaire rebelle. Il exerce cette charge jusqu'à l'édit de pacification du 16 juin 1594, où il résigne son office de lieutenant général en faveur de Sainte-Marthe, et par suite duquel il est nommé à la charge du président. Il est reçu en parlement le 15 juillet 1594 et installé le 23 août suivant.
II est nommé maire en 1605 (devise : Sapiens se quœrit in astris) et échevin en août 1605 au lieu de Florentin Dureau. Il meurt le 9 juin 1617, à 54 ans. Tel que le rapporte Thibaudeau, son épitaphe, dans une des chapelles de l'église de Saint-Paul qu'il a fait bâtir, dit que, pendant 23 ans de présidence, "il s'était appliqué à être bon plutôt qu'à le paraître". Sa veuve Gabrielle De la Lande lui survit, ainsi que son fils recteur de l'académie, et deux filles.
Babinet ajoute qu'"il est difficile de comprendre comment,en 1614, il put être compris parmi les partisans des princes et obligé de quitter Poitiers".
Il portait : "d'argent à un chevron d'azur, accompagné de 3 étoiles de gueules, à la bordure dentelée de même".

4. — 1618. Charles BOYNET, seigneur du Plessis-Fraissinet et du Palais, est conseiller au présidial puis, depuis 1594, conseiller au grand conseil en remplacement de son père, Étienne Boynet. Installé le 20 novembre 1618 comme président du présidial, il est nommé maire en 1620 (devise : oculis vigilantibus exit), et échevin le 4 avril 1623 par la mort de Gaucher de Sainte-Marthe. Époux de Virgile Rat,  il mourut le 22 septembre 1632 à Saint-Didier entre 7 et 8 heures du soir et est inhumé à Notre-Dame-la-Grande. Son enterrement donne lieu à un conflit de préséance, comme le rapporte Thibaudeau, entre les membres du présidial et les membres du Grand Conseil, dont Boynet a fait partie, et que Louis XIII a fait venir à Poitiers entre novembre 1627 et novembre 1628 afin de l'avoir près de lui durant le siège de la Rochelle.
Il portait : "d'argent au lion de gueules et au chef d'azur".

Vacance de l'office entre 1632 et 1647.


5. — 1647. Jacques de GENNES, seigneur de Verre, le Palais, le Courtiou, la Papinière et autres lieux, est nommé conseiller au lieu de Charles Rougier, le 24 avril 1619, et désigné comme ce dernier pour être titulaire des charges de commissaire examinateur appartenant à la compagnie. Nommé maire en 1629 (devise : Roseo fulgent sub sydere gemmœ), puis échevin le 6 février 1631 au lieu de François Laiguillier, sieur de Pernan, il remplace Roartin comme capitaine de la compagnie de l'Esterpe en 1645.  Il est installé à l'office de président le 27 juillet 1647 et résigne sa charge de conseiller en 1651 en faveur de son fils.
Il meurt le 22 mai 1655 d'une esquinancie, et est inhumé le lendemain dans l'église Sainte-Opportune, où sont sa mère et sa femme, Louise Rougié. A sa mort, il est le plus ancien des échevins. Pierre Liège, dans le commentaire de la coutume du Poitou, dit que c'était un "homme consommé en savoir et en expérience", avec 40 ans de service dans la magistrature.
Il portait : "D'azur, à un chevron d'argent, surmonté d'une étoile de même, et accompagné en chef de deux roses d'or, et en pointe d'une coquille de même".

6. — 1657. Pierre BARBARIN, seigneur de Joussé (dont il rend aveu au roi en 1676), est reçu conseiller du présidial le 1er juillet 1651 au lieu de son père Isaac Barbarin et de Catherine de Razes (il est le cousin germain de Jean de Razes, qui lui succède).
Il est pourvu de l'office de président le 19 juillet 1657, avec la moitié du second président, qui y est réuni. Il prêtre serment le 23 juillet et la même année résigne sa charge de conseiller au profit de Charles Constant, seigneur de la Gauterie. 
Il est l'époux de Catherine Jallais.
Sa famille portait : "d'azur à 3 barbeaux d'argent en fasce, celui du milieu regardant à senextre, et les deux autres à dextre".
Il meurt le 5 septembre 1678 vers 10 heures du matin et est inhumé le lendemain dans l'église des Jacobins après les sermons faits dans l'église Saint-Paul de Poitiers. A sa mort, l'office tombe aux parties casuelles.

7. — 1685. Jean de RAZES, seigneur de Ché et de Verneuil, fils de François, conseiller. Nommé en 1654 conseiller au parlement de Bretagne, il est pourvu de l'office de lieutenant général le 2 juin de la même année, par la résignation de Tudert. Il a levé aux parties casuelles et en même temps a traité avec les héritiers Barbarin, le 12 juillet 1685, et est pourvu du double titre de lieutenant général et de président, le 19 août 1685, qu'il attache sur provisions du 5 septembre. Il quitte la charge de lieutenant général en 1686 au profit de son fils François, auquel est unie la moitié de l'office de président second. Il reste donc titulaire de l'office de président premier et de moitié de celui de président second.
Il est inhumé le 12 mars 1697 à Saint-Didier de Poitiers. Sa veuve, Marie Maquenon, est inscrite dans l'armorial général de France, généralité de Poitiers, portant : "d'azur, à trois pals d'or, et un chef d'argent, chargée de trois branches de sinople".

8. — avant 1724. Jean de RAZES, écuyer et comte d'Auxances, fils du précédent et frère du lieutenant général Françoise de Razes, désigné plusieurs fois sous les prénoms de Charles-François. Ancien capitaine de cavalerie, chevalier de Saint-Louis, est pourvu de la charge de lieutenant général par lettres de provisions du 19 janvier 1717 et du double office de président et de lieutenant général en 1724. Titulaire de l'office de lieutenant général et de celui de président second, il cède cette moitié en 1730 à Thibault Forien, père du futur président. Il meurt le 6 novembre 1735 à 85 ans, et est inhumé en l'église des Cordeliers après service à Saint-Didier.
Il a été l'époux de Marie-Geneviève-Renée de Chouppes. Il est inscrit dans l'armorial général d'Hozier, portant de même que ses père et frère.

9. — après 1724. Jean PENIN, sieur de la Rouardière, est avocat au présidial de Poitiers. Il est investi de la charge de président premier avec moitié de celle de président second après 1724. Les provisions de Thibault Florien, son successeur, indique que Penin a payé l'annuel et résigné le 5 avril 1737. On y voit également qu'un arrêt du Conseil du 7 mai 1737 a réuni à l'office de président premier les deux moitiés de l'office de président second, dont l'une appartient à Penin et l'autre, unie à celui de lieutenant général, a été, dès le 23 juin 1730, acquise du titulaire Jean de Razes par Florien.
Il est inscrit dans l'armorial général de France, généralité de Poitiers, portant : "d'argent, à un fan, passant de gueules, et deux croissans confrontez et entrelassez d'azur, posez en chef".

10. — 1737. François-Gaspard Thibault FORIEN, sieur de Saint-Juire, né le 6 janvier 1716 paroisse Saint-Savin, est le fils de Thibault Forien, sieur des Rouches, de Thorus et de Saint-Juire, qui a été maire de Poitiers de 1722 à 1727, puis en 1737 et en 1740. Il n'a pas les 30 ans réglementaires, des dispenses d'âge lui sont accordées le 1er juin 1737. Il est pourvu de lettres de provisions de la charge de président désormais unifiée le 20 juin, puis prête serment le 27 juillet, et enfin s'installe le 4 mars 1738. Après avoir siégé 4 fois, de mars à septembre 1738, il reparaît en 1748 et en 1751. Il a épousé, le 4 février 1742, à Saint-Porchaire, Marie-Renée-Louise-Élisabeth Thoreau de Saint-Chartres (qui est guillotiné à Paris pendant la Terreur), fille du dernier conservateur des privilèges de l'Université. De son chef, il devient titulaire de la charge de son beau-père (dont la suppression est prononcée en mai 1774 avec la réunion de la Sénéchaussée), et devient en même temps conseiller au parlement de Paris.

En août 1764, un édit supprime la charge en la réunissant pour le civil à l'office de lieutenant général et pour le criminel à celui de lieutenant criminel.

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