mardi 21 juin 2016

un Résistant à Moncoutant : Louis Henri Paul Gourdon (1891-1979)

Le 25 août 1891, Élise Henriette Soulard, fermière, épouse de Jean Gourdon, cultivateur à Beaulieu de Cirières (Deux-Sèvres), donne le jour à leur fils Louis Henri Paul, dit Henri.

AD79, Cirières, N - 1888-1896, v.43/106

Henri est domestique lorsqu'il est inscrit, sous le numéro matricule 1547, canton de Cerizay, et incorpore le 114e RI le 10 octobre 1912. Il est présent aux armées le 4 août 1914, et est nommé caporal le 28 octobre suivant, puis sergent le 26 février 1915.
Il épouse, le 7 décembre 1915, à Poitiers, Léonie Pissard, mon arrière-grand-tante, fille de Charles et de Marie-Léontine Bardeau.

Léonie Pissard, non datée

Charles Pissard,
né le 10 février 1859 à Saint-Gaudent et
mort le 11 décembre 1923 à Saint-Macoux,
marié le 9 septembre 1883 à Saint-
Gaudent, à Marie-Léontine Bardeau






Louis Pissard,
né le 31 mars 1885 à Saint-Macoux et mort le 23 février 1932 à Saint-Saviol, marié le 4 octobre 1919 à Saint-Macoux, à Marcelline-Georgine Lebeau
Léonie Pissard,
née le 2 octobre 1893 à Saint-Gaudent et décédée le 9 mai 1980 à Charleville-Mézières (Ardennes), mariée le 7 décembre 1915 à Poitiers à Henri Gourdon




mon grand-père




mon père




et moi

Henri Gourdon et Léonie
Pissard (en bas à droite), au
mariage de Valentine en 1923
Son mariage ne lui porte guère chance, il est blessé le 7 mai 1916 et est évacué. Nommé adjudant le 12 mai 1916, il rejoint son unité (aux armées) le 7 novembre suivant. Malade, il est de nouveau évacué le 3 octobre 1917 et entre à l'hôpital temporaire n°16 de Poitiers, le 17 décembre, puis à l'hôpital mixte le 6 janvier 1918. Il rejoint son unité le 12 avril 1918, et apprend la naissance de son fils, Camille Léonce Henri, né le 12 juillet à Saint-Macoux. Décidément, les bonnes nouvelles ne lui portent pas chance : il est blessé le 29 septembre suivant. Il est soigné aux armées puis la guerre prend fin.
Il se réengage pour 5 ans, le 5 mai 1919, devant le sous-intendant militaire de la 17 DI, dirigé sur la joue de l'intérieur, le 28 septembre suivant, puis de nouveau pour trois ans, le 28 mai 1923, au titre du 114e RI. Entre temps, il avait été témoin de mariage de mes arrières-grands-parents Louis Pissard et Georgette Lebeau, et un second fils était né : Raymond, en juin 1920.
Au cours de ce dernier engagement, l'homme à la fière moustache profite de pauses pour assister aux mariages de son beau-frère Léon, le 27 septembre 1922, puis de sa belle-soeur Valentine, le 22 septembre 1923.

Camille Gourdon et ses grands-parents
Pissard en 1923 (Charles Pissard

meurt à la fin de cette même année)
Le petit Raymond
Le 16 décembre 1923, 5 jour après le décès de son beau-père, il passe au 90e RI, puis au 32e, où il est nommé adjudant-chef, le 7 juin 1924. Commissionné le 29 juillet 1926, validé jusqu'au 30 septembre 1927, il est maintenu en service armé, malgré une invalidité de 10%, imputable à "une cicatrice solide d’appendicectomie avec coliques fréquentes, accusées par l'intéressé et une otite cicatricielle bilatérale sans hypoacousie." Il est admis à faire valoir ses droits à la retraite proportionnelle et est rayé des contrôles de l'activité le 1er octobre 1927. Il est affecté dans les réserves au 32e RI, et s'installe à la Flèche (Sarthe), le 23 dudit mois, puis, l'année suivante, à Baugé (Maine-et-Loire), et enfin, le 6 octobre 1931, à Moncoutant (Deux-Sèvres). Après avoir passé le permis de conduire les automobiles, il est placé sans affectation le 15 avril 1933.
Ses années de service lui valurent :
  • une citation à l'ordre de l'armée du 27 juin 1916 : "sous-officier énergique et plein d'allant. Le 7 mai 1916, après un bombardement de 36 heures, sous lequel il a su mainteneir sa troupe, a entraîné ses hommes dans une vigoureuse contre-attaque au cri de Vive la France ! Grièvement blessé par un éclat d'obus, est resté à la tête de sa section jusqu'à la nuit".
  • une citation à l'ordre du corps d'armée du 15 août 1918 : "chef de section, plein d'enthousiasme et de vaillance. Entraîneur d'homme remarquable. A conduit le 23 juillet 1918 sa section à l'assaut avec un allant merveilleux".
  • une citation à l'ordre de l'armée du 27 novembre 1918 : "chef de section d'élite. Le 29 septembre 1918, surpris par 3 soldats ennemis et engagé dans un violent combat corps-à-corps, a réussi à se débarrasser de deux d'entre eux et a pu quoique blessé au cours de la lutte ramener son troisième adversaire jusqu'au PC de son commandement de campagne".
Il est décoré de la médaille militaire (JO du 27 juin 1916), de la Croix de Guerre 1914/1918 avec palme et étoile de vermeil, et est nommé Chevalier de la Légion d'Honneur (par décret du 16 décembre 1937, inscrit au JO du 22 dudit mois).

Les fils Gourdon (date non connue)

L'histoire pourrait s'arrêter là, mais le 27 septembre 1938, il est rappelé à l'activité et est affecté à la commission de réquisition hippomobile n°111, siégeant à Moncoutant. Il est cependant renvoyé dans ses foyers 4 jours plus tard.
"À l'automne 1942, il prend la tête d'une manifestation contre le S.T.O., qui vient de désigner 80 Moncoutantais pour partir travailler dans les usines de guerre en Allemagne, ou à l'entreprise TODD pour construire le mur de l'Atlantique. Il porte le drapeau français à l'avant d'un groupe d'une centaine de personnes, qui défilent jusqu'au monument de 1914/1918. Au terme de ce parcours il entonne une vibrante "Marseillaise" qui est reprise en chœur par l'assistance dans l'émotion générale. L'écho de cette manifestation parvient jusqu'à Londres, qui en cite l'exemple dans une émission "Des Français parlent aux Français", quelques mois plus tard" (bulletin municipal de Moncoutant, n°30, juillet 1997). Malgré l'absence de militaires allemands à Moncoutant, il est dénoncé, arrêté et transféré à Thouars. "Après un très sévère interrogatoire, qui se prolonge toute la journée, il est finalement relâché". Il dira pour sa défense : "je suis un officier français, j'ai toujours servi mon drapeau, je ne crois pas que le saluer encore soit un crime, au contraire".
À partir du 1er mars 1943, il est un agent actif de la résistance (dit agent P2), au réseau "Centuries" des Forces Françaises Combattantes. Il est arrêté le 9 août, interné à Poitiers jusqu'au 21 janvier 1944, et déporté d'abord brièvement à Compiègne, puis aux camps de Buckemwald et de Mathausen (à partir du 22 janvier 1944). Il a l'exceptionnelle chance d'être pris en charge par la Croix Rouge suisse, le 27 avril 1945. A la limite de ses forces, il n'aurait pas tenu une journée de plus. Il ne pesait plus que 34 kilos.
Il est rapatrié le lendemain, et revient au pays en "grand invalide, à la suite des privations et des sévices subis"A son retour, il a l'immense chagrin d'apprendre le décès de son fils aîné, Camille, engagé lui-même dans les F.F.L., qui avait rejoint début juin 1944 avec son groupe le maquis Le Chouan dans la Vienne. Lors d'un violent accrochage avec une division blindée à Lussac-les-Châteaux, Camille Gourdon avait été mortellement blessé et était mort le 4 août 1944 à l'hôpital de Montmorillon. Il avait laissé deux enfants, Jacky et Christian (ce dernier né après le décès de son père).

bulletin municipal
de Moncoutant,
n°30, juillet 1997
On décore Henri Gourdon de la Croix de Guerre 1939/1945, avec palme. Il est élevé au rang d'Officier de la Légion d'Honneur par décret du 7 mars 1959 (JO des 16 et 17 dudit mois).
Il meurt le 18 août 1979 à Bressuire. Le 8 mai 1997, a lieu une cérémonie afin d'honorer et de perpétuer la mémoire de 5 résistants déportés moncoutantais. Parmi eux, Henri Gourdon.

Quelques sources et liens :

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