vendredi 30 mars 2012

L'insaisissable M. Louis Pissard

Pour ce soir, j'aimerais faire écho à Gloria, qui elle-même faisait écho à Benoît Petit, que je salue. Voici le permis de conduire de mon arrière-grand-père, Louis Pissard :


Obtenu le 24 août 1927, il porte le n°16505. Mon insaisissable aïeul (cette photo a longtemps été la seule que j'ai de lui, jusqu'à ce que je le repère sur une photo de mariage, mais nous verrons ça plus tard) a passé son épreuve à Gençay :


Mon aïeul est prié de bien vouloir se trouver avec le véhicule à conduire sur le lieu de l'épreuve et à la date dite. Mais comment s'y rendre, quand on n'a pas encore le permis ?

Enfin, voilà un document que j'ai retrouvé parmi les vieux papiers. Il intéressera les nostalgiques d'antan et ravira les jeunes d'aujourd'hui, susceptibles de passer l'épreuve :



Comme qui dirait : « d'mon temps, y'avait pas tout ça ! »

jeudi 29 mars 2012

Lettres d'un Curé des environs de Civrai (3)


AdP 06/04-29/06/1786, v. 13
Du 25 mai 1786,

Lettre d’un Curé des environs de Civrai, à l’Auteur des Affiches,

Le 28 du mois dernier, à cinq heures du soir, les eaux de la Charente montèrent en un quart d’heure si extraordinairement, que les prairies furent inondées, les meuniers obliger de déloger. Les habitants de Civrai furent étonnés d’une augmentation si subite, et de voir les eaux si rouges et si épaisses, que la consternation et l’effroi se mirent dans tous les esprits ; on s’informa, on apprit que le même jour, à trois heures après midi, il avait tombé dans la paroisse d’Anois, près Charroux, de la grêle de différente grosseur, si dure, si compacte, qu’encore aujourd’hui il s’en trouve beaucoup dans les granges et endroits sombres. A cette grêle, qui épouvanta les habitants, succéda une pluie si abondante, qu’on entendoit rouler avec un fracas horrible des quartiers de pierre, qui comblèrent les prairies, entraînoient les haies, murs et chauffées ; ce torrent affreux creusa les collines à près de cinq pieds de profondeur. On ne voir près de la Charente que précipices, chemins comblés, communications interrompues ; l’image de cet épouvantable spectacle est effrayante ; et la couleur, l’épaisseur et l’augmentation des eaux de la Charente, jetta l’alarme jusqu’à Angoulême.
Il est étonnant, M., que la paroisse d’Anois éprouve tous les ans de pareils désastres ; il sembleroit que l’orage et le tonnerre sont faits pour elle. On ne voit que des arbres pulvérisés par les flammes de la foudre ; les phénomènes, qui précèdent, accompagnent et suivent les orages, semblent réunir toutes les nues sur cette infortunée paroisse. Est-ce à l’exposition des vents, est-ce aux bois, est-ce à la Charente, qui se trouve entre deux immenses collines couvertes d’arbres par intervalle, qu’on doit de pareils malheurs ? Est-ce la nature et la situation des côteaux, qui conduisent les nuages sur cette paroisse ? Car ces désastres ne sont pas universels ; le sifflement des vents impétueux, et les tourbillons y paroissent plus communs qu’ailleurs, et y réunissent et fixent les nuages. Ce que je puis dire, c’est que j’en ignore la cause ; et je suis obligé de suspendre mon jugement sur des phénomènes qui ont étonné les plus grands hommes que moi. J’ai l’honneur d’être, etc.

mercredi 28 mars 2012

Le parricide d’Antigny (1903)


Joseph Ledoux est né le 17 mai 1858 à Antigny. Homme sans histoire, il ne quitte le hameau natal qu’une seule fois : pour effectuer son service militaire au 62ème régiment d’infanterie de ligne, en garnison à Paris. Apprécié, il parvient à acquérir les galons de sergent-major, prend part à la campagne de Tunisie, puis est nommé adjudant dans la réserve. Revenu dans son village, il prend la place de son père, maréchal. Epoux d’Eugénie Louise Bordeau, depuis 1886, il est, en 1903, le père de trois filles de 16, 14 et 11 ans, aimées pour leur excellente nature, de tous les habitants du bourg.

Son père, Jean-Marcellin Ledoux, 79 ans, est veuf en secondes noces de Rose Chesne, décédée en 1884. Il habite avec son fils dans une petite maison basse couverte de tuiles rouges, ne comprenant qu’un rez-de-chaussée et composée de trois ou quatre pièces surmontées d’un grenier. Cette maison est située en face de la place principale du bourg, à l’angle de la route de Saint-Savin à Lussac et du chemin d’Antigny à Haims. L’atelier fait face à l’habitation de M. Loubaud, maire de la commune. Jean-Marcellin, d’ailleurs adjoint au maire, jouit de l’estime de tous ses concitoyens. D’un tempérament assez robuste, l’ancien maréchal peut espérer vivre encore quelques années, et voir se marier ses petites filles.

Extrait du registre du recensement de 1901 - Antigny

Le 24 décembre 1902, le doux Joseph se rend dans plusieurs cabarets du village, comme il en a pris la fâcheuse habitude. Il buvait beaucoup, certes, mais on haussait les épaules, à Antigny, car il n’en travaillait pas moins, arrivant à satisfaire les exigences de sa clientèle.
Ce jour-là, donc, il chante davantage que les autres jours, et vers 7 heures rentre chez lui sans tituber ni sembler autrement ivre. Tous dînent le soir venu, comme tant d’autres soirs. Rien ne laisse présager la suite des évènements.
Vers 8 heures, le repas finissant, Joseph avise une des bouteilles posées sur la table et constate que la provision de boisson est épuisée. Il dit alors à son père :
— Je vais aller tirer à boire, prends donc une chandelle et accompagne-moi pour m’éclairer.
Le vieillard obtempère et suit son fils. Lorsqu’ils sont sortis, Joseph ajoute :
— Ecoute : j’ai quelque chose de très grave et de très urgent à te dire ; viens avec moi sur le pont, personne ne doit nous entendre.
— Allons, si c’est important...
Et les deux hommes s’enfoncent dans la nuit vers le pont d’Antigny, à 100 mètres de leur domicile, en direction d’Haims.
Nul de sait vraiment ce qui se passe ensuite. Si on en croit les déclarations de Joseph, celui-ci aurait dit à son père :
— C’est ce soir que nous devons tous mourir, ce soir avant minuit, tu comprends, la veille de Noël, par le feu ou par l’eau : que préfères-tu, mourir par le feu ou bien par l’eau ?
— Par l’eau, aurait répondu le vieillard, puisqu’il faut que nous mourions, mais c’est bien triste !
Le vieillard se serait alors hissé sur le parapet puis, ne parvenant finalement pas à sauter, aurait demandé à son fils de le pousser. Joseph s’empresse de l’exécuter, et le vieillard est projeté lourdement dans la Gartempe, profonde de 2 m à ce niveau, après une chute de 10 m. Son fils rebrousse chemin aussitôt.
De retour dans le bourg, Ledoux se rend chez M. Bourry, pour lui rembourser une certaine somme qu'il lui devait du mois précédent. Il boit en sa compagnie, puis va chez M. Loubaud, le maire, pour lui réclamer 100 francs, ajoutant qu’il en avait besoin pour le mariage de son filleul pâtissier à Saint-Savin.
Comme M. Loubaud lui remet la somme demandée, le maréchal lui dit en le remerciant :
— Vous comprenez, il faut faire rentrer son dû, monsieur le maire, c’est bien le moment, je vais mourir bientôt à la minuit.
Le maire écoute, stupéfait. Son interlocuteur reprend :
— Voyez-vous, c’est bien vrai ce que je vous dis là. Vous ne me croyez peut-être pas. Eh bien tenez, je viens de faire mourir mon père, c’est pour ça que je vous dis que c’est mon tour à présent... D’ailleurs, conclut-il laconique, il faut que tout le monde y passe à la maison.
— Joseph, répondit le maire, vous avez tort de tenir de semblables propos ; on ne plaisante pas de cette manière.
— Je vous jure que mon père est mort.
Puis le maréchal se retire, indiquant qu’il se rend jusqu’au village de Tournac. Dès que celui-ci disparaît, M. Loubaud, pris de doutes, part vérifier les dires de son villageois. Ayant acquis la certitude que Joseph Ledoux n’avait déclaré que la vérité, il se hâte de prévenir la gendarmerie de Saint-Savin, puis de faire retrouver l’assassin, qui se trouvait effectivement à Tournac.
Nous retrouvons Ledoux, qui se rend chez M. Chaussebourg, où il est reçu de façon courtoise. M. Loubaud, n’ayant pas perdu de temps, avait fait prévenir M. Chaussebourg des évènements précédents. Ce dernier fait son possible pour retenir Joseph : il cause plaisamment avec lui, évitant surtout de la contrarier, en buvant comme si de rien n’était. Vers 3 heures, les gendarmes frappent à la porte de M. Chaussebourg et Joseph Ledoux est mis en état d’arrestation. Il n’oppose aucune résistance, et est conduit à Saint-Savin, où il est déposé à la chambre de sûreté.
Le lendemain, vers 6 heures, le parricide est emmené à Antigny où il est soumis à un premier interrogatoire par M. Caillon, suppléant du juge de paix et adjoint au maire de Saint-Savin. Il confirme ce qu’il avait confié à M. Loubaud.
— Dimanche dernier, ajoute-t-il, je me trouvais dans une auberge d’Antigny, en compagnie de plusieurs personnes qui m’ont beaucoup raillé ; alors, comme je me disposais à leur répondre, j’ai senti quelque chose, un grand coup me buter dans la tête en même temps qu’une voix me disait : « Tu dois mourir, toi et les tiens, le 24 décembre prochain à minuit. » Depuis j’ai pensé que si je mourais le premier, ma femme, mes enfants et mon père seraient malheureux et je me suis dit qu’il valait mieux commencer par eux.
C’est logique !
D’après l’affirmation de plusieurs témoins, il s’avère qu’aucune plaisanterie dont s’est plaint le maréchal ne lui ait jamais adressée.
Alors que l’interrogatoire se finit, on vient prévenir M. Caillon que le corps du vieillard vient d’être retrouvé, arrêté par l’écluse à 50 m environ du pont d’Antigny. Tous se transportent immédiatement sur les lieux, en compagnie de M. Robin, médecin à Saint-Savin. Le cadavre est examiné : aucune trace de lutte n’est découverte, le vieillard est mort par noyade. On transporte le corps à son domicile et on attend l’arrivée du parquet.
Vers 4 heures ½, le parquet de Montmorillon, composé de M. Tartarin, juge d’instruction, M. Duverger, procureur de la République, et M. Monssion, commis greffier, arrivent en voiture sur les lieux du crime. Le meurtrier est immédiatement soumis à un second interrogatoire, qui réitère ses déclarations. Etant donné l’état mental de Ledoux, il est jugé prudent de ne pas le confronter au cadavre de sa victime. Sa femme et ses enfants n’ont même pas permission de le voir, tant on redoute chez lui un excès de folie. Conduit à Montmorillon, Ledoux est tout de suite incarcéré à la maison d’arrêt. Et comme on le conduit en prison, M. Loubaud ne peut s’empêcher de verser d’abondantes larmes devant ce gâchis.
Finalement, le parquet est persuadé que Ledoux a commis son crime dans un accès de folie provoqué par l’alcool. Il lui arrivait fréquemment en dehors des « petits verres » et des « fines » de boire cinq à six litres de vin par jour. Alcool dont les conséquences de la boisson devaient coûter tant de larmes à une famille entière, jeter un deuil si profond dans toute une commune où criminel et victime étaient également appréciés.

Lettres d'un Curé des environs de Civrai (2)

AdP 06/04-29/06/1786, v. 27 (n°14, p.1)
Du 6 avril 1786,

Lettre d’un Curé des environs de Civrai, à l’Auteur des Affiches.

Plusieurs de mes paroissiens, M., ont été attaqués de la dissentrie pendant le mois de décembre dernier ; d’après l’éloge & l’expérience qu’un de mes confrères avoit fait de l’alkali volatil fluor, j’en ai fait prendre souvent à mes malades dans leur tisane. On peut l’administrer jusqu’à dix gouttes dans une décoction de racines de polypode de chêne ; il m’a produit un très prompt succès. J’ai mis aussi en usage la poudre spécifique que M. l’intendant nous envoye : elle a produit de très bons effets ; mais l’alkali est un remède très prompt & très efficace ; de façon qu’il n’a péri qu’une femme qui n’a voulu prendre ni poudre, ni alkali.
J’ai encore éprouvé depuis six ans, que le seigle & la racine de polypode, font une tisane qui seule opère une évacuation douce : tous mes malades la boivent sans dégoût, & préfèrent le seigle à l’orge, & la racine de polypode à la réglisse ; ils avouent que le seigle est plus doux, plus laxatif, & que la racine de polypode est plus agréable & plus rafraîchissante que la réglisse. D’ailleurs le polypode ne coûte rien, il est très commun sur les vieux murs & aux pieds des chênes. La douceur de cette tisane plaît tellement aux enfans, que j’ai vu des pères & mères en promettre pour récompense.
Voilà ce que l’expérience m’a confirmé ; je n’entends point faire la guerre ni à la tisane d’orge & de réglisse ; mais d’après l’expérience qui est la maîtresse des arts je pose en fait ; que le seigle est plus doux que l’orge, & la racine de polypode, plus laxative que la réglisse.
Je m’attends bien qu’on va crier, voilà un Curé médecin, & qui a le goût de la nouveauté. J’avoue que je suis souvent Médecin malgré moi ; mon état, mon devoir & mon inclination me forcent souvent à soulager de pauvres malheureux sans secours ; je n’aime point la nouveauté, mais je recherche ce qui peut secourir l’humanité souffrante.
D’ailleurs le Clergé & le Gouvernement, en nous envoyant des remèdes, ont bien vu que la communication continuelle que nous sommes obligés d’avoir avec nos paroissiens, nous mettoit dans le cas d’appliquer les remèdes qui conviennent à leurs excès & leurs possessions ; ils ont bien vu que notre éducation pouvoit nous faire saisir facilement les occasions favorables d’administrer les remèdes. Tout le monde fait que c’est la nature, la raison & le sens commun, qui ont formé la Médecine ; que cette Médecine même exige souvent plus de réflexion que de remèdes, & surtout dans les campagnes où il existe tant de préjugés destructeurs & nuisibles, qu’une morale douce & consolante peut guérir plutôt que toute la Pharmacie. Nous ne pouvons à la vérité faire aucune expérience ni hasarder aucun remède sans connoissance de case ; mais en faisant choix d’Auteurs qui peuvent suppléer au défaut des Médecins, & et consultant la nature, la raison & le sens commun, on formera bientôt une pratique qui pourra servir d’un guide sur et invariable : létude des faits rend toujours ingénieux, pour soulager l’humanité souffrante. Un Curé est plus propre par son éducation & la connoissance de ses paroissiens, à saisir les circonstances heureuses. Combien de fois les Curés sont-ils devenus Médecins malgré eux ? Combien de fois après avoir donné des secours à l’âme, n’ont-ils pas trouvé moyen de secourir le corps ? Il fautconnoître les préjugés des gens de campagne, leur pauvreté, leurs nourriture, leurs travaux, pour être à même de les soulager. Les Curés sont témoins des souffrances des malheureux, que les Médecins qui ne sont appellés que dans les endroits où le vin & les alimens sont contraires à leurs malades ; il faut donc quelquefois malgré soi vaincre la crainte que nous impose notre état ; il faut donc que notre sensibilité fasse un effort contre cette crainte qui peut devenir pernicieuse à l’humanité souffrante. Les Médecins ne connoissent pas souvent, & ne peuvent pas connoître les foiblesses des gens de campagne, qui ne peuvent se résoudre à avouer certaines infirmités auxquelles ils sont sujet, ce qui occasionne quelquefois des traitements contraires à leurs maladies, & fait que ces malheureux périssent, au lieu d’être soulagés ; il faut les tromper malgré soi. Comme ils n’ont de confiance que dans les remèdes, j’ai été souvent obligé de leur faire prendre trois grains de sucre ordinaire, dans trois pintes d’eau, pour tromper cette aveugle confiance : je ne saurois jamais vous nombrer combien mon sucre a guéri de malades, tant il est vrai qu’en écoutant la voix de l’humanité & de la raison, en consultant & étudiant leurs préjugés, on peut guérir des esprits à bien peu de frais.
J’ai l’honneur d’être, etc.

dimanche 25 mars 2012

Le crime d'Usson (1893)

Voici une nouvelle enquête faite à partir des articles de l'hebdomadaire "La Semaine", découverte pendant mes recherches sur Le drame de Vernon. Cette première affaire avait manifesté ma curiosité, car je m'étais trouvé des liens généalogiques avec François Audé, et j'avais approfondi l'histoire de mon "cousin généalogique" envoyé au bagne en Guyanne.
Cette affaire Clément, survenu quelques km plus au sud quelques années auparavant, m'interpella rapidement : le sieur Clément, l'accusé, est un multi-cousin généalogique. Je cousine également avec sa défunte femme, Marie Joyeux, ainsi qu'avec quelques témoins clés de l'affaire.


Je tiens à remercier en particulier les travaux des bénévoles du ge86, sans qui ces affaires seraient restés dans un tiroir, les archives départementales de la Vienne, sans qui je n'aurais même pas eu vent de cette histoire, et notre Sorcière du Poitou, sans qui ces histoires criminelles dans la Vienne ne m'aurait probablement pas tant interpellé.
Bonne lecture, et à bientôt.



Usson-du-Poitou, 14 novembre 1892. La jeune Alexandrine Élias, 11 ans, rend visite à sa sœur Louise, qui est domestique à la Font-du-Parc, chez le sieur Clément. Elle y arrive vers 11 heures, et c’est pour découvrir un horrible spectacle : les cadavres de sa sœur et de la maîtresse de maison, Marie Clément, née Joyeux.

M. Clément, le propriétaire, s’était rendu le matin même à la foire de Joussé, en compagnie de l’oncle Clément et de Louis Joyeux, son domestique et frère de Marie Joyeux.

Devant ce terrible spectacle, horrifiée, la jeune fille appelle aussitôt à l’aide. Les voisins accourent, pendant qu’on se rend vers Joussé pour prévenir le maître de maison. M. Clément arrive bientôt au bourg d’Usson, où il apprend la nouvelle, en même temps que son domestique Louis Joyeux, pour découvrir le sinistre ouvrage.

Le parquet de Civray et les médecins d’Usson et de Gençay furent mobilisés. Le docteur Guillaud-Vallée, chargé des constatations légales, a trouvé le cadavre de la jeune Élias près de la cheminée. Elle portait au-dessus du sein une plaie très large. L’autopsie révéla que la plaie intéressait le sternum. Le fond de la poitrine contenait une grande quantité de sang mêlé de chair hachée, des débris de vêtements et de bourres de fusil. Le poumon de la victime faisait saillie. La mort fut donc consécutive à un coup de fusil, conclut le médecin, chargé à plomb n°1 et tiré à bout portant, de haut en bas, de droite à gauche et d’avant en arrière.
Le corps de Madame Clément portait des traces d’une lutte très légère. Les traits avaient conservé l’empreinte d’une vive souffrance. Ses cheveux étaient épars et les vêtements dans le plus grand désordre. Elle avait été frappée à coups de canon de fusil. Les blessures étaient multiples et mortelles : sept côtes avaient été enfoncées et la face portait deux blessures très légères. Comme si la mort ne voulait pas l’emporter assez vite, l’assassin l’acheva en l’étranglant à l’aide d’une corde, enroulée deux fois autour d’elle-même. Le médecin conclut à la mort par suffocation, bien qu’une grave hémorragie interne aurait pu lentement la tuer.
Lors de l’inspection de la maison, on découvrit qu’une forte somme d’argent,  environ 5000 francs, appartenant à l’oncle Clément, avait été dérobée. Le coffre qui contenait l’argent avait été retrouvé grand ouvert : sur le lit, on voyait la pioche qui avait servi à le forcer. Le vol était donc le mobile de ce double assassinat !




Les obsèques des malheureuses eurent lieu le 16 à Usson. Madame Joyeux, la mère de Madame Clément, ne put assister à l’enterrement. Elle était, depuis les nouvelles du crime, dans un état qui inspirait de très sérieuses inquiétudes.



L’instruction permit rapidement de reconstituer les faits : les assassins sont entrés dans la maison où Madame Clément brossait, pour les ranger, les vêtements du dimanche. La jeune femme a été ainsi étranglée. Aux cris de sa maîtresse, la domestique, qui plumait un poulet, dans une grange sise derrière la maison d’habitation, accourut. C’est alors que l’un des assassins, s’emparant du fusil chargé suspendu à la cheminée, mis en joue la jeune femme et fît feu. La domestique tomba sur le carreau.

Devant les premiers éléments de l’enquête, on suspecta donc très vite le cambriolage qui a mal tourné, et deux vagabonds, signalés à Saint-Martin-l’Ars ce jour-là, furent suspectés et activement recherchés :
  1. un individu se disant alsacien, âgé de 46 ans, taille 1m60 à 1m70, cheveux et sourcils châtains, yeux bruns, qui porte une petite moustache, menton long et rond. Cet homme est vêtu d’une blouse bleue, courte et garnie de passementeries par le devant. Le pantalon marron est raccommodé à l’une des jambes. Le chapeau en feutre noir, les chaussures sont des sabots neufs avec cuirs également neufs ;
  2. le second individu est le sieur Chavest ou Chenest, porteur d’un ballot, semblant avoir 38 à 40 ans. Il est de taille moyenne, sa barbe est blonde, le nez large et plat. Forte corpulence. Il porte comme vêtements : une blouse bleue, un pantalon bleu et un chapeau de feutre. Chavest est également chaussé de sabots neufs avec cuirs neufs.
Amis lecteurs, si vous avez vu ces individus, prière de contacter la gendarmerie la plus proche de chez vous !



L'enquête

Monsieur Paris, brigadier de gendarmerie à Usson, s’était rendu sur les lieux le soir du crime. Il se mit immédiatement à la recherche des coupables. Difficilement, il n’y avait aucune empreinte de pas.
Le soir même, il rencontra deux étrangers, qui purent donner leur emploi du temps. Mais, en rentrant à Usson, une idée germa dans son esprit : l’assassin pouvait très bien être un habitué des lieux, et non un ou des inconnus. Le vol a concerné les économies de l’oncle Clément, mais l’argent des époux Clément (environ 1600 francs) n’a pas été touché. Et si... c’était le mari Clément le coupable ? Dès la nuit suivant les crimes, le maître de la Font-du-Parc est surveillé.
Le 16 novembre, le jour de l’enterrement, le brigadier Paris perquisitionne au domicile de Clément. Il découvre 6 pièces de 20 francs enveloppés dans un morceau de papier.
L’arrestation de Clément est imminente. Le 19 novembre, le parquet de Civray délivra un mandat d’arrêt contre Clément, inculpé de meurtre et de vol. Il nie les faits reprochés contre lui, comme il continuera à déclamer son innocence jusqu’au bout.
Pour la nuit, il est gardé dans une salle de la mairie d’Usson, puis il est emmené par deux gendarmes à cheval de la brigade de Civray jusqu’à la maison d’arrêt de cette ville. Le bruit de la prochaine arrivée de l’assassin se répandit bien vite dans la petite ville civraisienne : les habitants se portèrent en foule sur la route et attendirent jusqu’à une heure. Enfin, à une heure dix, on aperçut les deux gendarmes encadrant l’accusé qui rentraient dans Civray par le quartier du cou de chèvre, au lieu de traverser les Roches où tout le monde attendait. Il s’y produisit alors une bousculade indescriptible. Tous les curieux se rendirent sur la place du palais et formèrent une double haie, de la route à la porte de la prison. Clément fut hué par la foule en délire : « Enlevez-le ! Hue ! Hue ! Bandit ! Scélérat ! A la guillotine ! » Clément, vêtu d’une blouse et d’un pantalon noir, coiffé d’un chapeau mou, les menottes aux mains, portait un baluchon enveloppé d’un mouchoir bleu. Il baissa la tête dans le passage formée par le foule : il ne manifestait pas particulièrement de grandes émotions, mais paraît fatigué. Il déclara aux gendarmes : « si l’on ne retrouve pas le coupable, on me coupera le cou ! ». Enfin, les portes de la prison se refermèrent sur lui. Un ordre d’écrou est délivré, et Clément fut mis au secret.
Le 25 suivant, nouvelles perquisitions : dans l’armoire de Clément, le brigadier Paris découvre deux billets de 100 francs, dans un verre une pièce de 20 francs et une clef nouvellement limée.
Une mare et un puits furent vidés sans amener à la découverte du fusil. Trente ouvriers furent mobilisés pour essayer de retrouver l'arme du crime et l’argent volé : fouiller les ajoncs et les bois, piocher la terre, en vain.
Une partie des ouvriers employés aux recherches fouillèrent, avec le plus grand soin, les paillers et la paille déposés dans la cour et les dépendances de la maison Clément. Les recherches se prolongèrent dans le foin serré dans les dépendances.
Le vendredi 2 décembre, le parquet de Civray, sur des rumeurs, délivrent quatre autres mandats d’arrêt : l’amant de la jeune domestique Élias, habitant de Queaux, deux étrangers à la localité d’Usson mais y résidant depuis quelques temps, ainsi qu’un autre individu dont le nom n’est pas cité.
Les gendarmes découvrirent des éléments à charge très importants, dont une lettre, adressée à Clément par une femme – probablement une maîtresse – qui le priait instamment de venir au rendez-vous qu’elle lui donnait le 20 novembre, et surtout d’apporter avec lui une forte somme d’argent. Clément avait acheté quelques jours avant les crimes un pain de sucre chez Monsieur Deschaumes, épicier à Usson. La corde attachée au cou de la femme Clément semblait être celle qui avait lié le pain de sucre à son papier d’emballage.
Enfin, le 3 décembre, sur les indications de Louis Joyeux et de Louis Giraud, un autre domestique, le brigadier Paris et son équipe firent une découverte dans les ajoncs : il fut trouvé la somme de 100 francs, en pièces de 5 francs en argent, et un petit calepin, le tout enveloppé dans un mouchoir de poche. L’oncle Clément reconnut ces objets comme étant les siens : l’argent, à n’en pas douter, provient du vol commis dans la maison. Cette trouvaille écarte l’hypothèse du vol et des meurtres commis par des étrangers, qui n’auraient certainement pas abandonnés l’argent dans les ajoncs : ces éléments à charge vinrent accabler le sieur Clément.

Suite aux mandats d’arrêt des quatre autres individus, une lettre en date du 5 décembre, sera publiée dans le journal L’avenir de la Vienne :
Monsieur le directeur, depuis la première heure jusqu’à ce jour, bien des erreurs ont été répandues dans le public sur l’horrible crime d’Usson, erreurs qui, pour la plupart ont été reproduites par la presse locale. Comme aucune, jusqu’ici, ne m’avait semblé être de nature à amener la moindre conséquence regrettable, j’avais cru devoir garder le silence.Mais, aujourd’hui, permettez-moi d’en rectifier une : dans ses numéros de vendredi et samedi dernier, l’Avenir s’est fait l’écho d’un prétendu amant de l’infortunée Élias. En voici l’origine : Un pauvre diable à l’esprit mal équilibré ayant dit, en présence de plusieurs personnes, « qu’il ne comprenait pas comment un crime eût pu être commis ce jour-là, attendu que lui, qui allait voir la servante avait passé la veille et la nuit à la maison », il n’en a pas fallu davantage pour donner lieu à une foule de racontars. Le fait d’ailleurs a été aussitôt reconnu faux. L’homme n’a jamais vu ni le lieu du crime, ni l’une ni l’autre des deux victimes. Il n’avait même probablement jamais entendu prononcer leurs noms. Singulier amant !Comme ce dernier mot et d’autres allusions quelconques pourraient peut-être être mal interprétés de vos lecteurs, je crois qu’il est nécessaire de les prémunir. L’honneur et l’honnêteté des deux malheureuses victimes doivent rester intacts ; ici, toute la population est unanime sur ce point.J’ajouterai même que pour conserver – l’autopsie l’a pleinement démontré – cet honneur et cette honnêteté, la jeune fille surtout, n’a pas eu un mince mérite et un courage ordinaire. Depuis plus de deux ans, la malheureuse a dû lutter, d’une part, contre une misère noire, hideuse, et de l’autre contre les tentatives de corruption d’un maître qui ne craignait pas d’offrir à d‘autres femmes et certainement à elle aussi, des sommes assez rondes pour satisfaire ses appétits grossiers. Misère ! dira-t-on ; comment comprendre cela, quand personne n’ignore que 5 à 6000 francs étaient entassés dans un coffre. Oui, misère, rien n’est plus exact.Qu’on se représente – je ne dis pas un lit, ni même une sorte de grabat, - un tas de paille réduite en poussière, retenue de chaque côté par quatre planches rongées par les vers ; par-dessus et au-dessous par de vieilles guneilles gisant sur 80 à 100 paires de sabots de toutes formes et de toutes dimensions et de tous les âges, en partie enfoncés dans un sol humide, infecte ; et au milieu une espèce de toile d’emballage, tenait probablement lieu de draps !Qu’on se représente ensuite cette couche, dans le coin d’une chambre dont les porte vermoulues, la toiture effondrée et les murs lézardés donnent libre carrière à tous les vents ; ces murs qui n’ont jamais reçu que les dépôts crasseux, immondes, laissés sur leurs passages, par une multitude de rats, allant du sol à une espèce de premier aux planches disjointes ; ces murs menaçant à chaque instant de s’écrouler et qui sont pour cette pauvrette dormant-là, non comme une épée de Damoclès suspendue sur sa tête, mais comme un véritable tombeau, prêts à l’ensevelir sous leurs ruines !... et l’on aura une légère idée (1) du triste réduit nocturne de celle qui vient de voir tout à coup trancher si lugubrement ses jours.Le reste, c’est-à-dire la nourriture et ce qui s’ensuit, était à l’avenant. Un seul mot suffrait pour peindre cet intérieur d’avare ; une chandelle de résine y était considéré comme un objet de luxe qu’on ne doit s’offrir que dans les grandes occasions, aux jours de fêtes...Mais, disent les gens qui ne volent qu’à la surface des choses, mais pourquoi donc cette servante restait-elle dans une pareille situation, quand il lui eût été si facile de s’en procurer une autre ?... Une grande et profonde affection, un dévouement sans borne pour sa maîtresse qu’elle voit faible, constamment souffrante et toujours résignée : voilà ce qui la retient... Il n’y a pas qu’au champ d’honneur qu’on rencontre des braves : on peut en trouver partout, dans tous les rangs, dans toutes les conditions, et sans distinction de sexes.Pauvres martyres, vous avez, toutes les deux, terminés vos peines à la même seconde ! Dormez maintenant en pais de votre dernier sommeil ! Une main vengeresse, celle de la justice, avance lentement, mais sûrement, pour saisir et frapper le criminel... Grâce au tact et à l’habileté de M. le juge d’instruction et aussi à l’infatigable brigade de gendarmerie d’Usson, qui est toujours sur pied, un faisceau de preuves accablantes s’accumulent : elles ne tarderont pas à enlacer le lâche assassin et à montrer dans toute sa nudité l’horreur de ce lugubre drame. Nous ne terminerons pas sans joindre nos modestes éloges à ceux que le parquet de Civray a déjà adressés au chef de la dite brigade, M. Paris, pour l’énergie et l’intelligence dont il a fait preuve dès le premier moment. Nous ne croyons pas être indiscret en disant que les nombreuses sympathies qu’il a su gagner dans sa circonscription n’ont pas peu contribué à amener d’aussi heureux résultats. Nous espérons que ses supérieurs sauront lui en tenir compte et voudront bien, à cette occasion, lui décerner une légitime récompense.Veuillez agréer, Monsieur le directeur, l’expression de mes sentiments distingués. L.G.
(1) Tous les témoins oculaires pourraient attester que cela est au-dessous de la réalité.


Le crime

La ferme de la Font-du-Parc était exploitée par Jean Clément, mari de la femme assassinée, et par son oncle Clément, à qui appartenait le coffre fracturé et les économies qui se trouvaient dedans. Ils avaient à leur service deux domestiques : Louis Joyeux, le frère de la femme Clément, et la jeune Louise Élias.
Jean Clément appartenait à une vieille famille de paysans, qui, par son travail, avait acquis une certaine aisance. Elle était même très considérée dans le pays, lorsqu’un évènement considérable se produisit : 12 ans avant le double meurtre, l'oncle de Jean Clément assassinait son fils et s’entendait condamner aux travaux forcés. Son père étant mort au moment des faits, c’est l’oncle Jean Clément, célibataire, 73 ans, qui était le chef de famille.

Le 14 novembre, vers 7 heures et demie du matin, l’oncle Clément, son neveu et son domestique Joyeux étaient partis pour la foire de Joussé. Ils emmenaient des brebis qu’ils comptaient bien vendre. Le crime avait eu lieu juste après leur départ : en effet, la femme Clément et la jeune Élias n’avaient encore rien mangé. La domestique ne s’était même pas occupé des volailles et du bétail, qui étaient habituellement nourris entre 8 h et 8 h 15.
L’assassin ne pouvait être un étranger des lieux. Il s’était présenté sans arme. Le coffre avait été fracturé avec une pioche prise le long des battants d’une charrette, à la porte de la maison. Il avait pénétré dans la chambre où elles se trouvaient et était allé décrocher un fusil suspendu au plafond d’un cabinet obscur, dans un endroit où il était impossible de l’apercevoir de la chambre principale. Ce fusil, qui n’a pu être retrouvé lors du procès, avait été chargé par Clément quelques jours avant les meurtres, pour se défendre, disait-il, des loups ou des chiens errants.
C’est véritablement ses explications embarrassées et sa réputation de « méchant garçon » qui éveillèrent dès le soir du crime les soupçons des gendarmes. Ivrogne, il rendait sa femme malheureuse par ses écarts de conduite : les servantes qui s’étaient succédées à la ferme avaient toutes été victimes de sa dépravation. A plusieurs reprises il chercha à faire de Louise Élias sa maîtresse, et comme elle résistait, il lui répétait bien haut qu’il la congédierait, voire pire.
Son caractère était très violent : « il ne me ferait pas de peine de flanquer mon couteau dans le cœur de celui qui me ferait du chagrin » s’écria-t-il un jour dans une auberge. A sa belle-sœur, qui lui déplut pour un motif futil, il aurait dit à son domestique : « Si ma femme lui ressemblait, il n’y aurait pas de pardon pour elle, je la tuerais. »
Comment le crime avait-il été commis ? Clément avait pris ses précautions pour se retrouver seul avec les deux femmes : en effet, Joyeux devait, comme à l’habitude, rester à la maison, mais Clément avait insisté pour l’emmener avec lui et son oncle.
Ce matin-là, les moutons furent chargés dans le char-à-bancs. Clément et Joyeux rentrèrent changer de vêtements, tandis que le cheval fut attelé et que l’oncle Clément partait en premier. Les deux retardataires le suivirent, puis Clément demanda soudain à son domestique s’il avait pris le fouet. Ce dernier répondit par la négative. Clément lui cria : « file donc, je te le porterai ».
La façade de la maison était masquée par des meules de paille. Ce n’est qu’en parcourant 200 mètres que Joyeux revit son maître ressortir de la maison. Il s’était écoulé 6 minutes environ. Si « chacun est libre de rentrer chez lui quand bon lui semble » (dira-t-il au procès), comment se fait-il qu’il lui fallut tout ce temps pour récupérer le fouet, qui était suspendu près de la porte. Le parquet procèdera à une reconstitution des faits. Le crime a été reproduit avec une scrupuleuse fidélité : il a demandé moins de quatre minutes.
Au moment où Clément pénétra dans la maison, sa femme et sa domestique pliaient des vêtements. Elles continuaient leur ouvrage, Clément pût aller jusqu’au cabinet annexe, y prendre le fusil déjà chargé, s’approcher de Louis Élias et tirer sur elle à bout portant sans que sa défiance fut éveillée : elle tenait encore sa brosse à la main lorsqu’elle fut atteinte par le coup mortel.
A ce moment, Marie Clément fit face à l’assassin et tomba sous les coups de son agresseur. Pour étouffer son dernier râle, il l’étrangle avec une corde qu’il avait prise dans un tiroir de la maison. Puis il força le coffre de son oncle et s’empara de l’argent qui s’y trouvait. L’armoire où étaient rangées les clefs, dont celle qui ouvre le coffre, était entrouverte. Dans cette même armoire, les gendarmes y ont trouvé 1760 francs en or et en billets de banque. Cet argent n’était pas rangé avec le soin que la femme Clément, qui en avait habituellement la garde, devait y apporter. Un portefeuille qui contenait 500 francs en billets de banque se trouvait derrière des bouteilles, comme jeté négligemment. Clément n’apporta pas d’explications claires quant à la provenance de cette somme : pis encore, la veille et le matin de son arrestation, il se livra aux démarches les plus suspectes vis-à-vis de ses beaux-frères, soit pour faire disparaître son porte-monnaie et un billet de banque, soit pour se procurer un autre billet. Clément était débauché et fréquentait les auberges. Son oncle lui-même reconnaît que son neveu était trop dépensier pour faire quelques économies. Il paraissait même que Clément était à ce moment-là à court de monnaie.

Après avoir accompli son méfait et avoir rejoint son domestique, Clément, tout à coup, l’abandonna de nouveau pour se rendre cette fois-ci au bourg d’Usson. Il expliqua au procès que c’était pour commander des bottes. Il arriva donc vers 10 h à Joussé. Toutes ses bêtes ayant été vendues, il en profita pour se rendre dans des cabarets. Là, à une jeune domestique, il aurait dit : « Vous, vous êtes bien gentille, si j’étais veuf, je vous épouserai ».
Son attitude, ce jour-là, fut ce qui déclencha les suspicions des gendarmes dès le soir venu.
Lorsque les trois hommes se trouvèrent à 1km d’Usson, un jeune homme vint à leur rencontre. Ce dernier s’écria : « Vous êtes ici, vous ! et votre femme et votre servante ont été assassinées !!... » « Eh bien tant mieux » aurait-il répondu.
Ils arrivèrent au bourg d’Usson. Tout le monde l’entourait, lui parlait. « Je reste ici, alors, je veux boire une chopine ». Clément semblait en proie à une terreur profonde. On l’emmena cependant, presque de force, à la Font-du-Parc. En chemin, il dit à son domestique : « Pourvu qu’ils n’aient pas volé l’argent de mon oncle ».
Avant de se rendre chez lui, il alla chez la mère Élias, puis chez le sieur Bombard. Il manifesta son désir de voir son beau-frère, à Château-Garnier. « Je vais être obligé de mendier mon pain, puisque mon oncle a été volé et qu’il ne pourra pas me payer. » Mais qui lui avait dit qu’il y avait eu vol ? En repartant de chez Bombard, il ajouta à son attention : « A savoir si les assassins ne les ont pas violées avant de les tuer. »
La troupe arriva enfin à la Font-du-Parc. La nuit était complète, quelques lueurs d’une lanterne, dans le coin de la pièce, éclairaient faiblement les lieux. Clément entra dans la maison : « où est ma pauvre femme » dit-il, puis, sans la moindre hésitation et avant même qu’on lui réponde, il se dirigea tout droit vers son cadavre.

Il venait de se mettre lui-même la tête sous le couperet !



Le procès

Dans la suite de l'instruction, Clément fut amené par le parquet de Civray, le 21 janvier 1893, à faire la visite du cimetière d'Usson pour procéder à l'exhumation des corps de sa femme et de sa domestique. Clément, qui refusa d'entrer dans le cimetière, y fut contraint par la force. En présence des cadavres, déjà en putréfaction, l'assassin présumé n'avait donné aucun signe d’émotion et avait continué d'affirmer son innocence.
Traduit devant la Cour d'assises de la Vienne, il fut amené à la prison de Poitiers le 22 avril 1893 où il fut écroué. Tous les biens propres de Clément furent perdus pour lui : la maison où le crime fut commis et ses dépendances furent mises en vente le 30 avril sous le ministère de Me Lavergne, notaire à Usson, sur la mise à prix de 12000 francs. Le total des mises à prix s'élevèrent à 43000 francs.


La Semaine, 30 avril 1893
Le procès se tint les 29 et 30 mai 1893. Lors de l’audience, l’avocat de la défense (Me Guillaume Poulle), donna une plaidoirie qui tint en haleine toute l’assistance pendant près de deux heures ! Il suivit, pas à pas l’accusation, s’efforçant de réfuter tous les arguments de l’accusation pour réclamer, excusez du peu, l’acquittement de son « peu intéressant client » [sic].
En premier lieu, le mobile du crime. Etait-ce pour se débarrasser de sa femme ? Non, répond l’accusation, c’est pour le vol. Clément avait-il donc besoin de tuer pour voler son oncle ? Il lui suffisait de prendre les clefs, bien en évidence, et d’ouvrir sans forcer la serrure. Le mobile donné par l’accusation disparaît donc.
L’accusation tint au fait que Clément ne devait pas posséder de billets de banque. Or, le témoin M. Lafa avoue avoir vu Clément, 15 jours avant le crime, en possession non pas d’un, mais de deux billets. La belle-mère de Clément déclara bien que le ménage devait posséder environ 2000 francs d’économie. Le mobile disparaissant, le fait lui-même disparaît. Pour l’avocat, l’accusation portée contre Clément est invraisemblable : comment a-t-il pu commettre ces crimes, avec un fusil, alors que l’oncle et Joyeux se trouvent à quelques pas, en quelques minutes qui plus est. La reconstitution effectuée par les magistrats n’est pas à remettre en cause. Aussi, si la fille Élias a bien été tué sur le coup, Madame Clément, elle, s’est débattue, fait reconnu même par l’accusation. Or, cela prend plus de temps que durant la simple reconstitution. Enfin, l’avocat insistera sur les traces de sang, absentes des vêtements de l’accusé.
Enfin, Me Poulle déplore que trois témoins, qui disent avoir entendu un coup de feu vers 8 h dans la direction de la Font-du-Parc, n’aient pas pu venir.  Pour lui c’est clair : l’innocence de Clément est reconnue.
Enfin, le jury se retira pour délibérer. Puis l’audience reprit après ¾ d’heures de délibération. Son verdict : Clément est reconnu coupable de meurtre et de vol. Le jury a écarté la préméditation et a accordé à l’assassin d’Usson les circonstances atténuantes. Après quelques instants seulement, la Cour rentra en audience et prononça contre Clément la peine de travaux forcés à perpétuité.
Clément ne manifeste pas une grande émotion en entendant prononcer l’arrêt de la Cour. Il signe son pourvoi en cassation 10 juin. Il semble que l’instruction n’alla pas plus loin.

La semaine,
25 février 1894
Le fusil tant recherché fut retrouvé en février 1894. Il était recouvert de rouille et le canon dût être scier pour en extraire des billets de banque ayant appartenu, sembla-t-il, à l’oncle Clément. « Ces billets, indiqua le correspondant de La Semaine, étaient pourris et il n’a pas été possible d’évaluer, même approximativement, la somme qu’ils représentaient. »
« La découverte du fusil ne laisse aucun doute maintenant dans le pays sur la culpabilité de Clément. Les plus incrédules eux-mêmes font remarquer, avec raison, que l’assassin n’eût pas manqué de s’emparer des billets de banque, aussitôt après l’arrestation de Clément. »


Jean Clément mourut le 17 juin 1897 à Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyanne.





Les témoins appelés à l'audience

  • Pierre Fort, cultivateur à la Font-d’Usson, ancien domestique de Clément, du mois de février au mois de juin 1883, déclare que Clément faisait « mauvais ménage ». Le jour de la foire d’Usson, le 4 avril, l’accusé offrit un billet de 100 fr. à une femme dont il voulait obtenir les faveurs. Le témoin a remarqué que Clément regardait sa femme « d’un mauvais œil ». Il parle ensuite des tentatives faites par l’accusé à l’égard de la jeune Élias.
  • Jean Fumeron, cultivateur à Saint-Martin-l’Ars, est encore un ancien domestique de Clément qui rentrait parfois en état d’ivresse. Le témoin a été accusé d’être l’auteur du crime. Fort heureusement pour lui, il peut encore aujourd’hui donner l’emploi du de son temps le matin du crime.
  • Lucie Fumeron, domestique à Champniers, a été au service de Clément pendant un an. C’est elle que l’accusé à été voir lorsqu’elle gardait son troupeau. On sait le reste... Elle donne également quelques indications sur le ménage Clément : « un jour, il l’a (sa femme) frappée si violemment qu’elle a dû garder le lit pendant huit jours. »
  • Paul Gervais, cultivateur à la Pectolat, commune de Château-Garnier, rapport un propos tenu par deux chasseurs qui auraient dit en passant devant la Font-du-Parc : « voilà une maison riche ; le vieux doit avoir une bonne grenouille. »
  • Pierre Gallon, menuisier à la Gauderie, commune de Queaux, dépose que Clément aurait menacé de mettre sa servante à la porte si elle ne voulait pas avoir de relations avec lui.
  • Pauline Boureau, femme Marlot, à la Font-d’Usson, dit que Clément a voulu la prendre de force. Elle a refusé, et Clément lui a offert de l’argent, ce que ne l’a pas empêché de résister.
  • François Montoux, cultivateur à Poux, commune d’Usson, déclare que Clément a tenu ce propos : « Ça ne me ferait pas de peine de passer mon couteau dans le cœur d’un homme. »
  • Jean Deschaume, aubergiste à Usson, dit que Clément avait très mauvais caractère. Sa femme était, au contraire, très bonne.
  • Joulin, gendarme à Usson, se trouvait à la Font-du-Parc au moment où Clément est entré dans la maison. Il faisait très noir dans la chambre, et l’accusé alla cependant directement au cadavre de sa femme. Clément, pendant la nuit, s’est préoccupé de savoir si sa femme avait été violée. Il était également présent lors de la reconstitution des magistrats instructeurs : il n’a pas entendu de coup de feu à 5 m de distance.
  • Laurent Vincent, gendarme à Usson, s’est rendu le 14 novembre dernier à la Fon,t-du-Parc. Vers 6 heures, Clément est rentré de Joussé. Il était légèrement pris de boisson et voulait se jeter dans la mare. Le témoin a également accompagné l’accusé chez la femme Élias.
  • Jean Rouhault, gendarme à Usson, fait la même déposition. D’après lui, le soir du meurtre, Clément voulait envoyer une dépêche à M. Sadi-Carnot pour qu’il trouve le coupable.
  • Augustin Desbordes, gendarme à Usson, confirme les deux précédents témoignages. En présence de plusieurs personnes, Clément déclara qu’il était un malheureux puisque son oncle avait été volé (avant même qu’on lui parle du vol).
  • Pierre Cail, gendarme à Civray, a été chargé de transférer Clément du bourg de la Chapelle-Bâton à Civray. Pendant le trajet, Clément manifesta son désir de voir le fusil découvert à une direction opposée à Usson.
  • Jean Clément, oncle de l’accusé. La veille du crime, il fut convenu d’aller à la foire de Joussé, mais il ne fut pas question d’emmener le domestique. C’est le lendemain matin, pendant le repas, que son neveu insista pour que Joyeux vienne avec eux. Il reconnaît à l’audience que l’argent trouvé dans l’armoire de son neveu est bien le sien, qui était auparavant placé dans le coffre forcé.
  • Alexandrine Élias, à la Bourrelière, 11 ans, est la jeune fille qui découvrit le corps de sa sœur et de Madame Clément.
  • Marie Moreau, femme Élias, mère d’une des victimes. Elle est très mauvaise envers le sieur Clément. Le soir du crime, Clément lui aurait dit que sa « pauvre » femme lui avait remis, le matin même, juste avant leur départ pour Joussé, son précieux chapelet, après l’avoir embrassé.
  • Marie Auzanneau, femme Joyeux, mère de l’autre victime et belle-mère de l’accusé, a découvert le crime le matin de la foire de Joussé. D’après elle et selon sa défunte fille, le ménage Clément aurait possédé environ 2000 francs d’économie.
  • Pierre Arlot, 47 ans, cultivateur à la Martinière, a vu le visage de l’accusé se décomposer quand 4 jours après le crime, il lui fit cette question : « Mais toi, n’es-tu pas à blâmer ? »
  • Élie Arnault, 48 ans, cultivateur à la Bourrelière, a entendu l’accusé émettre des idées de suicide : « il voulait se périr. »
  • Marie Bon, femme Girault, 43 ans, à Génébrouz, a découvert les volailles qui n’avait point mangé depuis 3 jours ; elles n’étaient pas sorties. Le crime a donc été commis de très bonne heure puisqu’il était d’usage dans cette ferme de donner à manger aux volailles dès le matin. »
  • Félicité Clément, femme Blet, 35 ans, à la Bourrelière, a été une des premières à apercevoir les cadavres. Elle s’est enfuit devant ce spectacle désolant. Elle n’a pas eu le temps de voir si les volailles avaient été nourries.
  • Pierre Joyeux, cultivateur à la Meunerie, beau-frère de l’accusé, a été en compagnie de Clément à Usson, le jour du crime. L’accusé a payé les consommations en changeant 20 francs. Il raconte également une entrevue entre Clément et le docteur Houpert : « Je suis perdu, exemptissez-moi ! » puis l’accusé reprend : « a savoir si on n’a pas volé l’argent du père Clément ».
  • Alcide Fradet, 18 ans, teinturier à Usson, est celui qui annonce la nouvelle des assassinats à Clément sur la route de Joussé à Usson. C’est à lui que Clément répond : « Eh bien, tant mieux ! »
  • Louise Courtois, 44 ans, aubergiste à Usson, raconte l’arrivée à Usson le jour du crime : Clément se disant un homme perdu, ne voulant plus rentrer chez lui et manifestant l’intention de s’engager.
  • Le docteur Houpert, 45 ans, médecin à Usson, est celui qui est avec Louis Joyeux et Clément le jour du crime.
  • François Ribardière, 33 ans, à Usson, cocher du docteur Houpert, confirme le témoignage de son honorable maître.
  • Alexis Bombard accompagnait l’accusé avant son entrée dans la maison du crime. Le témoin indique que « Clément ne voulait pas rentrer chez lui, il voulait se rendre à Château-garnier chez son beau-frère, et me disait qu’il était perdu. »
  • Le docteur Guillaud-Vallée, 56 ans, médecin à Civray, a été chargé de faire les constations légales.
  • Louis Girault, domestique à la Font-du-Parc, a trouvé à 300 mètres environ du lieu du crime un sac contenant 100 francs, en pièces de 5 francs.
  • Pierre Clément, à Saint-Laurent-de-Jourdes, frère de l’accusé, parle de l’héritage laissé par leur défunt père. La propriété de Font-du-Parc devait être exploitée par l’inculpé, qui recevait ainsi une somme annuelle de 250 francs. Une autre propriété à Château-Garnier était affermée 630 francs. Une pièce de terre était louée 360 francs.
  • Madame Mauduit, née Lafa, d’Usson, a versé à l’oncle Clément, en 1889, une somme de 1000 francs. Presque toujours, elle payait en pièces d’or.
  • Marcel Maillochaud, cultivateur à la Fond-d’Usson, a vu Clément le 11 septembre à la foire de Queaux. Le témoin est un fermier de l’accusé et lui payait annuellement la somme de 360 francs. « J’ai donné 3 billets de banque à M. l’accusé » dit-il en parlant du dernier loyer.
  • Victor Lafa, marchand à Usson, a vu Clément huit jours avant le crime. Il a acheté pour 90 francs de marchandises. L’accusé lui a remis un billet de 100 francs, son porte-monnaie en contenant un de plus. Le témoin reconnaît parfaitement la corde qui a servi à étrangler Madame Clément, qui avait servi à attacher le paquet de marchandises acheté par Clément.
  • Jean-Baptiste Bled, cultivateur à Payroux, fermier de Clément, a payé sa ferme de 1892. Il a également payé les fermages de 1888, 1889, 1890 ainsi que 1891, directement à la femme Clément, précise-t-il pour ce dernier.
  • Paris, brigadier de gendarmerie à Usson, s’est rendu le soir du crime à la Font-du-Parc. C’est principalement sous ses ordres que l’enquête fut mené et c’est également lui qui soupçonna dès le soir du crime le propre propriétaire des lieux.
  • Louis Joyeux, domestique et beau-frère de l’accusé, donne des renseignements sur leur départ pour la foire. C’est bien Clément qui lui a proposé de l’emmener à Joussé, malgré ses protestations. « Les femmes sont bien restées seules d’autres fois » lui a répondu Clément. Le 19 novembre, Clément lui remet un billet de 100 francs et ses clefs en disant qu’il n’avait déclaré qu’un seul billet. Comme il en possédait deux, on pourrait l’inquiéter. Le lendemain, Clément voulut lui emprunter un billet de 100 francs, sous prétexte qu’il ne voulait pas donner un des siens dont on aurait pu prendre le numéro. Enfin, le témoin rappelle ensuite certains propos tenus par l’accusé qui démontreraient la violence de son caractère. Un juré lui demande où se trouvait l’oncle Clément lorsque l’accusé a été aperçu près de la maison du crime : « à 220 m environ », répondit-il. A-t-il entendu le coup de fusil : « non, monsieur. »

Compléments généalogiques

Jean Clément était le fils d'Antoine Clément (°1814/+1878) et de Marie-Anne Clément (°1821/+1879), né à Usson en 1848.
Il épousa Marie Joyeux, née en 1857 à Queaux, fille de Jean Joyeux (°1830/+1885) et de Marie-Anne Auzanneau (°1830).
Le recensement de 1876 indique de Marie Joyeux était la servante d'Antoine et Marie-Anne Clément.  La Font-du-Parc comptait cette année-là deux foyers : le deuxième était occupé par la famille Joyeux elle-même, Jean Joyeux et Marie Auzanneau, ainsi que leur fils Louis. En 1881, le couple Clément est marié et constitue le seul foyer du hameau. Antoine et Marie-Anne Clément sont décédés, l'oncle Jean (oncle paternel du sieur Clément, célibataire) est le chef de famille. Une Marie Bernard, 16 ans, est leur servante à gages. En 1886, le foyer compte deux domestiques : Paul Chevais, 30 ans, et Emelie Vignée, 17 ans.
Enfin, en 1891, le registre de recensement donne la composition du foyer qui sera celle au moment du drame :


Extrait du recensement d'Usson de 1891

Le ménage donna deux enfants : Eugène Pierre, né en 1881, et Marie, née en 1885, qui se retrouveront à Chauvigny au début du XXème siècle. Il est extrêmement curieux de ne pas avoir retrouvé de mentions de leurs enfants dans l'instruction...
Le sieur Clément a au moins un frère, cité à l'audience : Pierre Clément, qui épouse Marie-Clémentine Guillon à Saint-Laurent-de-Jourdes en 1871.

Sources :

  • Essentiellement La Semaine, édition du 4 juin 1893


vendredi 23 mars 2012

Lettres d'un Curé des environs de Civrai (1) - 3e


AdP 05/01/1785 - 30/03/1786, v.3 (n°2, p.3)
Du jeudi 12 janvier 1786

Lettre d’un Curé des environs de Civray, à l’Auteur des Affiches

J’ai appris, M., que la lettre que vous avez insérée dans votre feuille, n°9, année dernière, avoit blessé la délicatesse & la modestie de la bienfaisante famille R. d. F.
Comme je lui suis inconnu, je lui dois un aveu sincère & public des motifs qui m’ont animé ; je leur dirai, pour ma justification, qu’ils savent comme moi que quelques personnes des environs de Poitiers avoient publié que ces Seigneurs achetoient du blé pour trafiquer ; j’avoue que je fu si étonné d’un pareil propos, que je formai le projet sur le champ, d’être l’écho de mon pays & des pauvres qui en connoissent la fausseté ; d’ailleurs j’observerai encore que je me suis cru obligé dans cette année malheureuse, d’offrir au public des modèles de vertu & d’humanité dans un besoin aussi pressant ; & si j’ai fait voir que ces personnes respectables renonçoient à leurs intérêts des pauvres, ma qualité de citoyen me forçoit à un hommage de reconnaissance, que l’on ne peut refuser aux âmes bienfaisantes.
Voilà, M., les motifs qui m’ont fait peindre très foiblement le sentiments nobles & charitables de cette famille, qui ne veut pas être nommée. Cependant je ne puis m’empêcher de parler de leurs épreuves & des mesures économiques qu’ils prennent pour le soulagement des pauvres.
Comme ils savent que les pauvres employent leur peu d’argent pour acheter du blé, qui produit de mauvais pain ; qu’ils ignorent point que des meuniers peu fidelles leurs en dérobent une partie ; ils ont fait des expériences & ont reconnu que douze boisseaux de froment moulu, rendent vingt un boisseaux tant en fleur, bis blanc, gruau, petites & grosses recoupes, son, &c. Comme ils ont comparé souvent la pesanteur spécifique du blé à volume égal, ils ont vu d’une manière certaine, que le blé nouveau est plus pesant que celui de 1784. Ils ont vu encore qu’un blé mouillé ou humide pèse beaucoup moins qu’un blé bien sec et dur ; enfin, M., ils ont considéré, avec douleur, que les pauvres achetoient le blé, foisoient moudre, cuisoient & mangeoient leur pain dans le même jour ; que ce pain pesant, mal cuit, occasionnoit des indigestions, & nourrissoit peu. Ils ont pris depuis deux mois le parti de faire vendre & distribuer à trois paroisses du pain froment & seigle, à six liards la livre ; ce pain qui est léger, cuit depuis quatre jours, bien levé & bien fait, produit un meilleur effet, & une plus solide nourriture ; de façon, M., que tous ces malheureux ont du pain excellent à moitié moindre prix que chez les boulangers ; on leur donne en outre de l’argent pour le chauffage.
Tel est le commerce de cette famille à qui on attribue peut-être maintenant une vertu de parade ; mais quelque chose qu’il en soit, cette vertu de parole est fort ancienne. Il y a bien des années qu’on leur voit faire des actes continuels de bienfaisance ; plût à Dieu, pour le bonheur des vrais pauvres, qu’il n’existât point d’autre passion que l’orgueil & la vanité de faire des heureux ! l’on ne verroit pas tant de malheureux gémir sous le poids de la misère.
J’ai l’honneur d’être, etc.

jeudi 22 mars 2012

Chronique des Coulonnier

Une famille des Mauges

Julien Gracq
Ma filiation Coulonnier est issue d'une famille de laboureurs et de cultivateurs s'étant établie dans le petit village de Saint-Philbert-enMauges, depuis mon aïeul Nicolas Coulonnier (°1668/+1745), métayer, né à Villedieu-la-Blouère. Il est le fils de Julien Coulonnier (°1639/+1722), laboureur originaire de Gesté, et de Jacquine Coulonnier (°1646/+1727), née à Villedieu-la-Blouère.

Pour l'anecdote, Julien Coulonnier est le fils de Jean Coulonnier et de Michelle Terrien (+1672) ; ces derniers sont également les ancêtres directs de Louis Poirier(°1910/+2007), alias "Julien Gracq", auteur surréaliste proche d'André Breton, qui fit sensation à l'époque en refusant le prix Goncourt (pour son ouvrage Le Rivage des Syrtes, 1951).

Ce patronyme est typiquement apparu dans la région des Mauges, et semble lui appartenir (on en trouve pas ou peu en dehors de ce périmètre au XVIIème siècle). Coulonnier est un nom qui a plusieurs origines probables, d'après le site Geneanet :
  • une possible variante de Colombier (pigeonnier),
  • ou peut-être issu de l'ancien français colongeor (paysan exploitant une colonge, une terre mise en culture par des colons), avec le patronyme voisin Colonnier,
  • voire aussi de celui qui fabriquait des quenouilles (ancien français coloigne)

Le nom de famille de notre filiation a subit au cours des générations des modifications assez particulières : Colonnier, Collonier, voir Collonié... J'ai conservé par souci d'homogénéisation l'orthographe à la fois la plus ancienne et la plus contemporaine.
Nicolas Coulonnier fut un père prolifique. De son premier mariage célébré en 1696 avec Michelle Gautier (°1668/+1705), il eut 6 enfants, qui, hélas, moururent dès la naissance ou très jeunes, comme c'était souvent le cas en cette période à la campagne. Son épouse décéda des suites de sa dernière couche. Veuf, il épousa Renée Raimbault (°1683/+1756) en 1706, qui conçut 7 enfants. Seuls trois de leurs enfants (deux garçons et une fille) eurent une postérité.

Ma lignée se poursuivit ainsi avec les trois René :
  • René Coulonnier (°1708/+1768), époux de Louise Gautier (°1717/+1786) (une parente éloignée de Michelle Gautier) ;
  • puis un de leur fils, René Coulonnier (°1738/+1802), époux de Jeanne Ripoche (°1752/+1841) ;
  • et enfin un fils de ces derniers, René Coulonnier (°1780/+1865), époux de Marie Terrien (°1790/+1840).

La cousinade proprement dite

Trois générations de René Coulonnier plus tard donc, naquit Jean (°1819/+1895), toujours à Saint-Philbert-en-Mauges. Laboureur, il épouse en 1846 Marie Sécher, fille de Jean Sécher et de Julienne Martin, originaire de la Remaudière, en Loire-Inférieure (ce nom fut substitué par Loire-Atlantique en 1957).
Il s'agit du couple dont je tente de retrouver l'ensemble des descendants. Les époux s'installent dans un premier temps à Yzernay, où naîtront deux filles. Jean est métayer au lieu-dit "La Denison" (1847/1848). Puis on les retrouve à Saint-Macaire-en-Mauges, où suivront une fille et trois garçons. Jean y sera cultivateur, domestique puis journalier, d'abord à la Moncellière (1850/1858), puis à "la Terreguilbert" (1876), et enfin au bourg (1886). Leurs enfants sont :
  1. Marie-Joséphine Coulonnier (°1847/+1895),
  2. Jeanne Coulonnier (°1848/+1880),
  3. Joséphine Renée  Coulonnier (°1850),
  4. Jean Henri  Coulonnier (°1853/+1930),
  5. Pierre Marie  Coulonnier (°1855),
  6. et Jean-Baptiste  Coulonnier (°1858/+1949).

Migration

C'est un phénomène bien connu des généalogistes amateurs. Lorsqu'une famille est casanière dans les campagnes, bien souvent, on observe vers la fin du XIXème siècle un déplacement migratoire parfois casse-tête dans la reconstitution des familles. D'aucuns diront qu'il s'agit d'un effet de l'Ère Industrielle en France, avec l'apparition des Chemins de Fer qui permirent le déplacement de familles sur de grandes distances. Ma famille Coulonnier connut ainsi un grand déplacement.
C'est le benjamin de la famille, Jean-Baptiste Coulonnier, qui marque le pas. Ayant servi dans le 2ème Régiment des Chasseurs (octobre 1879- septembre 1883), d'abord en tant que chasseur de 2ème classe, puis de 1ère classe (janvier 1881), il est résident à Lavoux, dans la Vienne, dès sa libération du service actif. On le retrouve employé à la ferme-école de Montlouis, sur la commune de Jardres en 1885. Créée en 1875 par Joseph de Larclause, issu d'une riche famille originaire de Ceaux-en-Couhé, l'école formera des élèves sur le site du manoir de Montlouis jusqu'à sa fermeture en 1914.

Manoir de Montlouis, à Jardres

En 1876, Léonie Mergeot (°1860/+1941) y est domestique. Celle-ci est également originaire de Ceaux-en-Couhé. Elle se marie en premières noces en 1882 avec Eugène Vesque (°1856/+1883). Veuve, mère d'un petit Eugène Vesque (°1883/+1968) (qui émigrera par la suite en Argentine - notre Oncle d'Amérique !), épouse Jean-Baptiste en 1885, qu'elle a probablement rencontré à Montlouis. Le couple s'installera au village de Mézachard, à Ceaux-en-Couhé (Jean-Baptiste y domicilié à partir de juillet 1886), où naîtront deux enfants : Jean-Baptiste Coulonnier (°1886/+1886), décédé en bas âge, et Maria Coulonnier  (°1887/+1965).

Du côté des Mauges, les soeurs aînées de Jean-Baptiste se sont mariées :
  • Marie-Joséphine Coulonnier a épousé Pierre Papin (°1841) en 1871 à Bégrolles. Je leur connais 6 enfants : Pierre Papin (°1872), Marie-Joséphine Papin (°1875), Jean-Louis Papin (°1877/+1959), Angèle Papin (°1881/+1955), Joséphine Papin (°1884/+1958) et Alexis Papin (°1890/+1890) ;
  • Joséphine-Renée Coulonnier épouse, en 1876, à Saint-Macaire, Pierre Coiffard (°1841/+1928), qui auront deux enfants : Pierre Coiffard (°1877/+1962) et Joséphine Coiffard (°1879/+1966) ;
  • Jeanne Coulonnier épouse en 1876 Jean Brebion (°1845/+1901), également à Bégrolles-en-Mauges. Je leur connais 3 enfants : Jeanne Brebion (°1876/+1958), Marie-Olive Brebion (°1878/+1878) et Jean-Louis Brebion (°1878). Jeanne mourra très jeune (31 ans).

Mis à part Pierre Papin, l'aîné de Pierre et de Marie-Joséphine, que j'évoque plus loin, tous restèrent dans les Mauges, ainsi que Pierre-Marie Coulonnier, qui épouse en 1886 à Saint-Macaire Rosalie-Joséphine Bourcier (°1855). Je connais de ce couple 3 enfants : Pierre-Jean Coulonnier (°1889), Georges Coulonnier (°1892/+1967) et Louis Coulonnier (°1897).

De ceux restés dans les Mauges, on remarque :
  • Marie-Joséphine Papin, épouse en 1897, à Bégrolles, Auguste Héas(°1873), qui reconnaît Augustine Héas (°1892/+1976). Cette dernière épouse, en 1918 à Saint-Macaire, Félix Rivereau (°1890) ;
  • Jean-Louis Papin épouse, en 1904 à Bégrolles, Marie Lemesle (°1881), puis Clémentine Gobert en 1913 à Saint-Macaire ;
  • Angèle Papin épouse, en 1904 à Bégrolles, Jean-Marie Éas (°1877/+1957) ;
  • Joséphine Papin épouse, en 1920, à Saint-Macaire, Charles Pohu (°1883), puis en 1947, René Lorry ;
  • Jeanne Brebion épouse, en 1901 à Saint-Macaire, Joseph Huteau (°1863).

Jean Henri Coulonnier est l'époux de Valentine Chalet (°1861/+1954). Trois enfants sont nés à Saint-Macaire : Jean-Marie Coulonnier (°1885), Pierre-Marie Coulonnier (°1886/+1957) et Marie-Joséphine Coulonnier (°1889/+1962). C'est à partir de 1891 que l'on retrouve ce couple à Saint-Martin-l'Ars, dans le Sud de la Vienne. Jean Coulonnier et son épouse Marie Sécher ont suivis leur fils, ainsi que la famille de Joséphine-Renée Coulonnier, et leur petit-fils Pierre Papin : ils rejoignaient probablement leur benjamin Jean-Baptiste, que l'on retrouvera en 1893 sur cette dernière commune.
L'arrivée des Maugeois à Saint-Martin-l'Ars date probablement de 1891. Le dossier militaire de Jean Henri y signale son installation en février. Marie Sécher y décèdera la même année (décembre 1891).


La famille contemporaine - Saint-Martin-l'Ars

Jean-Baptiste Coulonnier, Joséphine-Renée Coulonnier et Jean-Henri Coulonnier, et leurs familles, ainsi que Pierre Papin, sont donc installés à Saint-Martin-l'Ars à la fin du 19ème siècle.

Pierre Papin épouse en 1899 Marie-Aimée Cohier (°1873), et auront trois enfants :
  • Pierre (°1902) ;
  • Angèle (°1903/+1989), qui épouse, à Taizé-Aizie (16), en 1924, Paul Eugène Bouchet (°1899) ; ils ont au moins un fils, Gilbert Paul Papin (°1925/+1985), époux de Jacqueline Yvette Valérie Bonnet. Cette famille s'installe à Ruffec, probablement après la naissance de leur premier enfant (né à Taizé). Ma grand-mère se souviendra d'une vieille cousine, la veuve Papin, il s'agit donc de Marie-Aimée ;
  • et Damien (°1909/+1998), né à Paizay-Naudoin (16). Celui-ci épouse Renée Cherprenet (°1911) et aura au moins un fils, Raymond Gabriel Pierre Papin (°1933/+2008). Cette famille s'installe à Vierzon (18).

Joséphine Coiffard épouse en 1896 Jean Lasnier (°1872/+1957) et aura une fille, Joséphine-Marie Lasnier (°1899/+1934). Cette dernière épouse en 1920, à Payroux (86), Pierre Mautret (1895/1984). Ils auront 3 enfants :
  • Louis (°1923/+1928) ;
  • Edgard (°1926/+1933) ;
  • et Ginette (°1929/+1997), épouse d'André René Thibaud en 1953, sans postérité.
Pierre Coiffard épouse en 1902, Eugénie Poupard (1882/1971). Ils auront trois enfants :
  • Pierre (°1903-1984) qui épouse, en 1925, Eugénie Deverrière (°1907). De leur union naquit Albert Coiffard (°1926/+2007), qui épouse, en 1949 à Saint-Paul, en Gironde, Ginette Vaury. Cette famille semble s'être installée par la suite dans la région de Blaye.
  • Julien (°1904/+1990), qui épouse, en 1926, Marie Courtois (°1908). Un fils naîtra à Saint-Martin-l'Ars : Henri (°1927/+2005), qui épouse, en 1950 à Joussé (86), Jeanne Rachel Delage. Cette famille s'est installée par la suite à Joussé où elle semble être propriétaire d'une ferme et d'importantes terres sur la commune. Julien aura deux autres enfants, Guy et Michel.
  • Marie Julienne (°1904/+1995), qui épouse, en 1923, Henri Gaildrat (°1899/+1978). Ils auront une fille : Henriette (°1924), qui se marie en 1945 avec Robert Deverrière (°1921). Ce dernier était originaire d'Aslonnes et j'ignore où ont pu se déplacer les membres de cette famille, dont aucune trace n'a été retrouvé à Saint-Martin-l'Ars ultérieurement.
Pierre Coiffard, rappelé à l'activité militaire en 1914, est porté disparu le 27 mai 1918 au Chemin des Dames. Prisonnier de guerre, interné en Allemagne, il est rapatrié le 6 décembre 1918, puis est envoyé en congé illimité dans ses foyers le 22 janvier suivant.

Jean-Baptiste Coulonnier et Léonie Mergeot eurent deux autres enfants à Saint-Martin-l'Ars : Eugénie (°1893/+1957) et Jean-Baptiste (°1895/+1981).

Jean-Henri Coulonnier et Valentine Chalet, quant à eux, y eurent 6 autres enfants : Céline (°1892/+1953), Jean-Baptiste (°1894), Florence (°1898/+1898) et Victorine (°1899/+1899), décédées très jeunes, Valentine (°1901/+1979) et Martine (°1904/+1976).


La famille contemporaine - Taizé-Aizie et Condac

Situé à l'extrême Nord-Ouest de la Charente, Ruffec est une ville étape de la Nationale 10, entre Poitiers et Angoulême.

Nos Coulonnier se déplacent donc de nouveau, à Taizé-Aizie et à Condac, à proximité de Ruffec. Jean-Baptiste Coulonnier et Léonie Mergeot auront leur dernier enfant à Taizé, plus précisément au village de Chauffour : mon arrière-grand-mère Berthe-Yvonne (°1902/+1983). Ils y resteront jusqu'à leur disparition, en 1941 pour Léonie et en 1949 pour Jean-Baptiste.

En 1908, leur fille Maria Coulonnier épouse Jean-Auguste Moreau (°1884/+1954). Ils auront deux filles et un fils :
  • Marie (1910/1980), épouse de Pierre Château (1903/1994). Ils eurent deux enfants :
  • Yvonne (1914/?), épouse de Marcel Vriet (1913/1994). Ils eurent ensemble 6 enfants :
  • et Henri, décédé en 1940 à la guerre (brûlé dans un char). 
En 1911, à Condac, Eugénie Coulonnier épouse Louis Pelgrin (°1882/+1953), originaire d'Usson-du-Poitou. Ils auront un fils prénommé Louis (°1914/+1983), époux de Rachel François (°1916).

Jean-Baptiste Coulonnier fils, quant à lui, est employé aux Chemins de Fer d'Orléans. Il épouse à Bègles, Marguerite Dallas (1897/1972) et aura deux enfants :
  • Yvette (°1918/+2009), née à Bègles, qui épouse Roger Dubourg à Coutras en 1936, avec lequel elle aura un fils, Jean-Claude (°1938/+1950), décédé jeune, puis se remarie avec Victor Pouillon (°1909/+1993) ;
  • Robert (°1920/+1998), né à Brive, qui épouse Fernande Pigot (°1921) en 1941.

Berthe Coulonnier épouse, à Taizé en 1925, Eugène Theulière (°1888/+1970), originaire de Saint-Coutant. Ils auront comme enfants, qui naitront dans la ferme de la Grande Barbate, à Lizant, dominant la vallée de la Charente, au-dessus de Taizé : Jeannine (°1932), ma grand-mère, qui épouse Roger Pissard (°1926/+1990) et Jean (°1935), époux de Blanche Bertrand (°1939/+2010). Le couple a également eu un premier fils, Jean-Baptiste (né et décédé en 1933), et deux jumeaux (nés sans vie en 1937).
Une anecdote me vient à l'esprit : c'était pendant la guerre, en février 1942. Eugène apprend le décès de sa mère, toujours habitant la commune de Saint-Coutant. Malheureusement, la ligne de démarcation séparait les deux villages. Eugène prit une bicyclette et partit comme ça du jour au lendemain, sans papier, en laissant sa femme et ses enfants à Lizant. Durant les jours qui marquèrent son absence, le plus dur pour sa femme fut de ne pas savoir s'il avait été tué ou fait prisonnier.
A la suite du décès de Jean-Baptiste, en 1949, la famille Theulière s'installe à Chauffour.

Jean-Henri Coulonnier et son épouse Valentine Chalet s'installe à Condac. Trois de leurs filles se marient à Paris (75) :
  • Marie-Joséphine Coulonnier, en 1916, à Paris 15e, avec Octave Sourigues (°1888/+1982). Ils sont tous les deux inhumés à Condac.
  • Valentine Coulonnier, en 1922, également à Paris 15e, avec Léon Véchambe (°1899/+1980).
  • Martine Coulonnier, également en 1922 (un mois après sa soeur), toujours dans le même arrondissement parisien, avec Edouard Orient.
Leurs trois autres enfants se marient dans la région. Céline Coulonnier épouse en 1912, à Condac, Louis Honoré Bévin (1885/1945). Ils eurent au moins 5 enfants :
  • Marie Bévin (°1912) ;
  • Louis Honoré Bévin (°1914/+1981), époux de Marie Anna Malin (°1912), mécanicien à Paris 15ème en 1935 ;
  • Édith Bévin (°1917/+1967), épouse de Georges Gaston Gracieux (°1913/+1970) ;
  • Raymonde (°1919) ;
  • Serge Gérard Bévin (°1930/+1932).

Jean-Marie Pierre Emmanuel Coulonnier épouse en 1912 à Aizecq, ancienne commune rattachée à Champagne-Mouton, Albertine Léonie Bouchet (°1890/+1919). Ils auront au moins un fils : Pierre Paul André Coulonnier (°1914/+1963), époux d'Adrienne Asset.
Rappelé à l'activité militaire par le décret du 1er août 1914, dans la réserve du 107e Régiment d'Infanterie (le 307e), il part aux armées le 8 août. Il est blessé par balles aux pieds, ce qui lui vaudra une amputation de la jambe gauche (1/3 inférieur) et est fait prisonnier à l'issue de la terrible bataille de Moislains le 28 août 1914. Rapatrié le 5 mars 1915, il est renvoyé dans son foyer le 13 mars suivant. Veuf en 1919, Jean-Marie épouse en secondes noces, à Paris 17e (75) en 1920, Marie-Sidonie Guégan (°1887/+1975), et de cette union naîtra Jean-Yves (°1923/+2001). Jean-Yves Coulonnier épouse Geneviève Bouillet (°1926).

Pierre Marie Coulonnier épouse en 1919, également à Condac, Marie-Germaine Raffoux (°1892). Ils eurent au moins un fils : Marcel.