samedi 14 avril 2012

Lettres d'un Curé des environs de Civrai (5) - 2e


AdP 05/03-28/06/1787, v.23
 Du 14 juin 1787
 Agriculture

Fin de la Lettre d’un Curé des environs de Civrai, à l’Auteur des Affiches

Ceux qui au contraire labourent & préparent leurs terres en hiver, ne trouvent plus de chaume ni sels ; les vents & la chaleur ont tout enlevé, & une terre tenace et froide, comme la nôtre, forme des masses que la pluie, ni la neige, ni la gelée ne peuvent diviser. L’expérience me prouve tous les ans qu’un labour bien préparé évite beaucoup de peine & procure beaucoup plus de blé que tous les autres : cette vérité n’est puisée que dans des observations suivies, faites après des comparaisons évidentes.
D’ailleurs on convient que le seigle doit être semé dans la poussière : ainsi, pour entretenir la terre dans cet état, il faut donc éviter les labours d’hiver ; il faut que la saison & les herbes aident à diviser & émietter nos terres froides & tenaces.
La clef de nos greniers est dans la main des Laboureurs, si l’Agriculture est notre trésor : il faut donc la perfectionner, & je ne cesserai de dire que c’est du premier labour préparatoire que dépend tout le succès de l’Agriculture. Voyons maintenant le temps des semences.
En fait de labour & de semence, je ne parle que pour nos terres argileuses et froides ; &, en admettant le principe de nos Laboureurs, le seigle soit être semé dans la poussière, il faut préparer & semer de bonne heure.
Dans une terre froide il faut procurer de la force au blé pour résister aux fortes gelées : quand la terre est bien préparée, les racines fibrées pénètrent, & plus il y a de canaux nourriciers & de matériaux pour la sève, mieux le blé résiste, végète & produit un grain nourri.
D’ailleurs ce n’est point en ville ni dans un cabinet qu’on peut raisonner sur l’Agriculture ; mais depuis six ans je n’ai plus douté qu’une terre mal préparée retient toujours la fraîcheur, au lieu qu’une terre mal préparée se durcit & ne forme qu’une masse sèche qui ne peut être pénétrée par la rosée.
Qu’on examine dans les belles matinées du mois de Mai, une pièce de terre, dont une moitié sera bien préparée & semée, & l’autre moitié mal préparée & mal semée ; l’on verra que la première aura un dépôt plus abondant de rosée que la dernière, & que le blé trouvera plus de moyens pour prospérer, &c.
Enfin mes Laboureurs restèrent convaincus, 1° que les plantes rendent plus à la terre qu’elle ne donne ; 2° que c’est souvent du premier labour préparatoire que dépend notre récolte ; 3° qu’on ne sauroit trop tôt semer dans nos terres argileuses & froides ; 4° que labour d’été peut valoir fumier, si on enfouit de bonne heure le chaume, &c., &c.
Je crois, M., que ce système ne peut-être contrarié : il est fondé sur l’expérience & sur des principes qu’on ne peut absolument contester. En qualité de citoyen, je me crois obligé de coopérer au bien public.

J’ai l’honneur d’être, &c.


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