jeudi 29 mars 2012

Lettres d'un Curé des environs de Civrai (3)


AdP 06/04-29/06/1786, v. 13
Du 25 mai 1786,

Lettre d’un Curé des environs de Civrai, à l’Auteur des Affiches,

Le 28 du mois dernier, à cinq heures du soir, les eaux de la Charente montèrent en un quart d’heure si extraordinairement, que les prairies furent inondées, les meuniers obliger de déloger. Les habitants de Civrai furent étonnés d’une augmentation si subite, et de voir les eaux si rouges et si épaisses, que la consternation et l’effroi se mirent dans tous les esprits ; on s’informa, on apprit que le même jour, à trois heures après midi, il avait tombé dans la paroisse d’Anois, près Charroux, de la grêle de différente grosseur, si dure, si compacte, qu’encore aujourd’hui il s’en trouve beaucoup dans les granges et endroits sombres. A cette grêle, qui épouvanta les habitants, succéda une pluie si abondante, qu’on entendoit rouler avec un fracas horrible des quartiers de pierre, qui comblèrent les prairies, entraînoient les haies, murs et chauffées ; ce torrent affreux creusa les collines à près de cinq pieds de profondeur. On ne voir près de la Charente que précipices, chemins comblés, communications interrompues ; l’image de cet épouvantable spectacle est effrayante ; et la couleur, l’épaisseur et l’augmentation des eaux de la Charente, jetta l’alarme jusqu’à Angoulême.
Il est étonnant, M., que la paroisse d’Anois éprouve tous les ans de pareils désastres ; il sembleroit que l’orage et le tonnerre sont faits pour elle. On ne voit que des arbres pulvérisés par les flammes de la foudre ; les phénomènes, qui précèdent, accompagnent et suivent les orages, semblent réunir toutes les nues sur cette infortunée paroisse. Est-ce à l’exposition des vents, est-ce aux bois, est-ce à la Charente, qui se trouve entre deux immenses collines couvertes d’arbres par intervalle, qu’on doit de pareils malheurs ? Est-ce la nature et la situation des côteaux, qui conduisent les nuages sur cette paroisse ? Car ces désastres ne sont pas universels ; le sifflement des vents impétueux, et les tourbillons y paroissent plus communs qu’ailleurs, et y réunissent et fixent les nuages. Ce que je puis dire, c’est que j’en ignore la cause ; et je suis obligé de suspendre mon jugement sur des phénomènes qui ont étonné les plus grands hommes que moi. J’ai l’honneur d’être, etc.

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